[CRS 2] Sierra Nevada abat ses cartes
Nous en avons parlé la semaine dernière (ici) lors de la proposition émise par Lockheed Martin, la NASA va décider en juin quelles sociétés vont réaliser et opérer de nouveaux vaisseaux cargos, destinés à ravitailler la station spatiale internationale entre 2018 et 2024. A l’occasion de la convention « Satellite 2015 », Sierra Nevada Corporation – SNC a levé le voile sur sa proposition maison, car la société fait partie des cinq « Majors » à tenter de remporter le contrat (Lockheed Martin, SpaceX, Boeing, Orbital-ATK et donc SNC). Et comme la semaine dernière, les surprises ne manquent pas, ni l’audace et l’innovation. Le CRS-2 est décidément le support d’une lutte acharnée de la pointe technologique américaine !
Une vue d’artiste montrant une navette Dream Chaser (inhabitée) se docker en version « cargo » avec l’ISS. Peu à peu, on en sait plus sur les concurrents de ce contrat! Crédit Sierra Nevada Corp.
Le Cargo Dream Chaser
En réalité, la proposition de Sierra Nevada Corp. était largement attendue, puisqu’il s’agit de l’évolution « non habitée » de sa petite navette spatiale, nommée Dream Chaser. Sélectionnée parmi les trois finalistes du programme CCtCap avant de perdre le contrat final contre SpaceX et Boeing, le Dream Chaser était une solution à la fois originale et innovante: garder le meilleur des retours d’expériences des navettes, en faisant à la fois plus petit, plus performant et moins cher. L’utilisation de nouveaux designs et matériaux devraient permettre la réussite du programme. Malgré tout, la NASA avait estimé à l’époque qu’il restait trop de temps de développement avant que Sierra Nevada arrive à surpasser les défis du vol orbital habité. Malgré une structure existante, et deux essais de la navette grandeur nature portée sous élingue puis larguée par un hélicoptère, le Dream Chaser n’avait pas été sélectionné. La société a du se séparer de dizaines d’ingénieurs et d’ouvriers, et n’a gardé que le bureau d’études pour continuer à peaufiner sa technique pour présenter la version « cargo ».
La version habitée de la navette Dream Chaser, lors d’essais sur l’une des pistes de la NASA. Cette version devait pouvoir emmener au moins 4 astronautes vers l’ISS, mais n’a pas été retenu dans le contrat de la NASA. Crédit NASA.
L’évolution est bien visible sur le design proposé. D’abord, il y a la partie « cargo » rattachée derrière la navette. Les deux capacités combinées pourront offrir jusqu’à 5 tonnes d’emport pressurisées, ainsi que jusqu’à 500 kg de charges dans un conteneur non pressurisé. Le cargo emporte également deux panneaux solaires qu’il déploie en V, car ces derniers ne sont plus sur les ailes de la navette (comme c’était le cas pour la version habitée). Avec ces caractéristiques, qui sont d’après Mark Sirangelo, le PDG de Sierra Nevada Corporation, supérieures aux demandes de la NASA, l’entreprise espère gagner le contrat et le remplir en moins de vol que ses concurrents (bien que, lorsqu’on regarde les capacités, SNC ne me semble pas au-dessus !?). D’autre part, la partie « Cargo » sera détachée et brûlée lors de sa rentrée dans l’atmosphère, tandis que la navette ira atterrir sur une piste dédiée, avec tout de même la capacité de ramener 1,7 tonnes de fret sur Terre.
Avec son cargo attaché à l’arrière (et ses propulseurs de chaque côté), la version cargo de la Dream Chaser rentre dans une coiffe… Standard. Crédit Sierra Nevada Corp.
Sierra Nevada et les lanceurs
La Dream Chaser version Cargo dispose d’un changement majeur en plus de son appendice de cargaison: ses ailes sont repliables, de façon à ce que l’ensemble fasse moins de cinq mètres de diamètres. Et en fait, ce nombre n’est pas innocent: de cette façon, la navette + son cargo peuvent être encapsulés dans une coque au sommet de différentes familles de fusées. C’est là que la proposition de SNC se fait très intéressante: plutôt que de viser un lanceur spécifique, le Dream Chaser pourrait aussi bien être lancé depuis une Atlas V (commercialisée par ULA, aux Etats-Unis) ou depuis une… Ariane 5 (Arianespace, France). En réalité, SNC est une entreprise américaine, mais qui a déjà ouvert beaucoup de portes avec l’Europe. Une étude a notamment été réalisée par le DLR (l’agence spatiale allemande) pour tester la maquette actuelle de la Dream Chaser. L’ESA, qui fait ses propres recherches pour fabriquer une navette, pourrait bien participer à l’ISS jusqu’à 2024 en finançant SNC, tout en réalisant la partie cargo?
En 2013, à l’occasion du premier « largage » par un hélicoptère, la navette Dream Chaser avait réalisé des tests de portance avant de se poser sans propulsion sur une piste de la NASA.
Crédit Sierra Nevada Corporation
Un avion dans une bataille de capsules
La navette Dream Chaser se démarque de ses concurrents, ne serait-ce que par sa nature. Elle décolle sur une fusée, mais atterrit comme un avion, sur une piste. L’avantage, en plus d’avoir un retour plus rapide des expériences, c’est la sécurité: il existerait aux Etats-Unis uniquement, au moins quatre pistes capables d’accueillir des navettes comme la Dream Chaser (dont une en Alaska, Floride, Californie et Texas). D’autre part, le concept repose principalement sur la réutilisation du corps principal de la navette pour un nombre élevé de vol ( supérieur à 10, sans doute), avec une maintenance moins lourde que pour une capsule.
D’autre part, et c’est l’un des arguments principaux de Sierra Nevada, leurs équipes travaillent depuis longtemps sur ce projet, dont la version cargo n’est qu’un dérivé. La NASA pourrait donc choisir SNC qui a travaillé depuis le mois de septembre à réviser sa copie. A noter que la version habitable de la Dream Chaser devrait effectuer cette année un atterrissage (pour les derniers tests) après un vol en chute libre largué depuis un avion ou un hélicoptère. L’élimination du CCtCap était un coup dur pour cette entreprise, nous verrons au milieu d’année si elle a su se reprendre assez rapidement pour le contrat CRS-2!
Comparaison entre la navette Atlantis, développée dans les années 70, et la petite navette Dream Chaser, qui tente de se faire un chemin dans l’Histoire en 2015!
Crédit Sierra Nevada Corporation
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Vous dites que l'Europe développe son propre modèle de navette, mais à part Hermes qui est passé aux oubliettes, je ne vois pas de quel projet vous parlez. Pouvez-vous m'éclairer ? A moins que vous pensiez aux futurs dérivés de l'IXV ?
Bonjour, effectivement je pensais aux dérivé de l'IXV, dont je ferais un article lorsque le programme sera un peu plus précis (beaucoup de pistes sont évoquées souite au grand succès de l'essai). Il s'agit bien par contre de navette "non habitable" pour le moment (et même jusqu'à 2020-25), d'ou l'évocation dans cet article avec la Dream Chaser version cargo.