La transition de l’ISS s’accélère
Les derniers changements significatifs sur l’ISS sont intervenus il y a plus de quatre ans, à l’occasion des derniers vols des navettes spatiales américaines. Le dernier gros module à avoir été ajouté est du côté non-russe (USOS) de la mission, c’est l’espace Leonardo, qui sert actuellement de module de stockage pour les nombreux équipements embarqués sur l’ISS (il est multifonctions). Toutefois, même si les navettes ne sont plus d’actualité depuis 2011, la station spatiale va recevoir en 2015 trois ajouts à sa structure: deux petits mais indispensables, et le module BEAM gonflable, qui va passer deux ans en expérimentation.
Vision d’artiste de la séquence d’amarrage d’une capsule CST-100 de Boeing. Si tout va bien, d’ici deux ans et demie, une vision qui deviendra réalité. Crédit Boeing
IDA: International Docking Adapter
Tout d’abord, un point de sémantique anglaise. En effet, il y a sur la Station Spatiale deux types de connexions entre les vaisseaux arrivants et le corps principal de la station. On parle de docking d’une part, et de berthing d’autre part. La différence, qui peut paraître minime, revêt tout de même une grosse importance. Un docking, c’est le regroupement autonome de deux vaisseaux dans l’espace. Donc dans la liste des vaisseaux qui utilisent des ports de docking, il y avait les ATV, il y a les capsules Soyouz et les vaisseaux Progress. Un berthing c’est le regroupement assisté de deux vaisseaux dans l’espace. C’est à dire que l’un des deux agit comme une masse inerte. On parle donc de berthing dans le cas des capsules Dragon, Cygnus et le HTV japonais. Les diamètres sont à peu près équivalents, mais alors ou est l’importance? L’idée, c’est que pour des vaisseaux habités, il faut que l’accouplement des deux entités ne soit pas assistée. Parce que s’il y a une situation d’urgence dans l’ISS, personne n’aura le temps d’utiliser le CanadArm pour libérer un vaisseau, c’est une procédure qui prend presque une heure.
Amarrage d’une capsule Dragon sur l’ISS. La procédure utilisant le bras CanadArm de la station dure presque une heure, après tout un set de manoeuvres longues et difficiles.
Crédit NASA
Bref pour des vaisseaux habités, il faut du docking, pas du berthing. Hors pas de chance, toutes les écoutilles côté USOS (non russe) de la station sont en mode berthing. Pour accueillir à partir de 2017 les vaisseaux du contrat « commercial crew » ou CCtCap avec des astronautes de la NASA, il faut donc changer les ports d’attache. Ce sont les travaux qui ont été démarrés lors des trois sorties d’astronautes américains réalisées fin février-début mars. Des centaines de mètres de câble installés, des protections modifiées, une partie des installations électriques changées de place… Bien entendu, pouvoir changer une écoutille une fois dans l’espace était une possibilité depuis longtemps étudiée, mais il y a loin de la théorie à la pratique: c’est beaucoup de travail. A présent, les travaux sont suffisamment avancés pour attendre le premier des nouveaux ports d’attache de l’ISS: IDA 1.
Voici l’International Docking Adapter 1, qui va être envoyé vers l’ISS en juin. L’un des deux astronautes à effectuer la procédure d’attache sera Scott Kelly, l’un des deux astronautes du « Year In Space ». Crédit NASA
Et ça tombe bien, parce que IDA-1 est prêt. Il constituera à lui tout seul l’ensemble de la cargaison non pressurisée de la capsule Dragon de SpaceX qui décollera dans la seconde moitié du mois de juin. Il s’agit d’une grosse pièce, qui va être minutieusement raccordée à la station pour qu’elle soit fixée, alimentée, et que la communication vers le vaisseau arrivant soit assurée. IDA-1 sera fixée à la station avant que le second port, IDA-2, arrive avant la fin de l’année, toujours sur un vaisseau cargo Dragon. Ces deux ports constitueront les attaches pour les capsules CST-100 de Boeing et Dragon V2 de SpaceX lorsqu’ils emmèneront les astronautes sur l’ISS d’ici 2017 (si tout se passe bien au niveau du financement).
IDA-2 n’est pas encore au stade final de développement sur cette photo (prise en février).
Crédit NASA/Wikipedia
BEAM: emballé, c’est pesé!
Le module BEAM de Bigelow Aerospace est lui aussi d’ores et déjà en préparation pour son vol vers l’ISS. Prévu fin août-début septembre, encore une fois sur un cargo Dragon (ces capsules sont devenues absolument indispensables, les services rendus inestimables), cette fois c’est une addition gonflable à l’ISS qui devrait rester deux ans attachée à la station. Vous l’aurez deviné le BEAM utilise un port de « berthing » et pas de docking puisqu’il ne s’agit pas d’un module habité sur le long terme. D’ailleurs, pour les besoins de l’expérience (valider l’utilisation d’un module semi-rigide sur le long terme) l’écoutille du BEAM sera en position fermée, les astronautes ouvrant la cloison une fois tous les deux ou quatre mois environ (histoire d’aérer un peu).
On peut le voir sur le cliché, les avantages principaux de modules semi-rigides comme BEAM résident dans leur poids minimal et leur encombrement réduit. Autant d’avantages qui se combinent assez bien avec la résistance théoriquement supérieure du matériau…
Voici le BEAM lors de la cérémonie de livraison à la NASA. Le module est replié, une fois gonflé son espace intérieur aura plus que quadruplé. Crédit NASA/Bigelow Aerospace/Stephanie Shierholtz
Dans deux ans…
Les nouveautés de l’ISS ne cessent pas de nous parvenir. Mais d’ici 2017, il s’agit de matériel pour nous faire patienter, en attendant que les premiers modules habités du contrat Commercial Crew fassent leur apparition. Enfin un concurrent sérieux pour la capsule Soyouz! Nous reparlerons d’ici une à deux semaines de l’avancement de Boeing et SpaceX vis-à-vis de leurs obligations, mais tous les deux progressent à grand pas. Boeing a réalisé des tests d’amerrissage en piscine, sélectionné et testé de nouvelles combinaisons spatiales spéciales… SpaceX, pour sa part, a fixé la date du 5 mai pour tester l’évacuation du pas de tir de sa capsule d’essais Dragon V2. Une première vision que tout le monde attend du nouveau vaisseau de la firme.
Test de la capsule CST-100, larguée de façon oblique dans une piscine. Le test n’a pas fait grand bruit car, s’il a été validé par la NASA, la capsule a tout de même terminé sa course à l’envers… Mais intacte, et elle flottait. Bref. Crédit Boeing/NASA
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Très intéressant, j'ignorais la distinction entre docking et berthing, merci !