Annulations, ni chansons ni astéroïdes!
Deux annulations mineures sont venues rythmer cette semaine relativement calme (n’allez pas croire que les majors du spatial sont en vacances…). Deux missions très différentes, qui n’ont aucun lien entre elles, mais qui viennent rappeler, si le besoin s’en faisait encore sentir, que l’Espace est hostile, difficile et qu’il n’est pas, pour le moment, accessible à tous.
Sarah Brightman, en tête des ventes mondiales pour une chanteuse soprano, devait participer durant trois semaines à la grande aventure dans l’espace, mais…
Crédit Sarah Brightman
Sarah Brightman annule son tour sur l’ISS !
Cela fait plusieurs années qu’il n’y a plus eu de touriste sur la station spatiale internationale, car les sièges russes des capsules Soyouz sont occupés par les astronautes américains qui achètent ces places à prix d’or (80 millions le voyage… Par personne !). Mais comme cette année a lieu l’expérience « Year In Space », un créneau s’était libéré en septembre pour emmener un touriste, avant son retour quelques trois semaines plus tard. Sarah Brightman, chanteuse d’opéra, compositrice et grande performeuse vocale, avait jusqu’à hier sa place sur le vol TMA-18M. Depuis deux ans que le vol se prépare, elle a passé avec succès tous les tests obligatoires, a passé des dizaines de jours à faire un entraînement réel d’astronaute, puisque les touristes sont aussi des « flight participants ». Sauf que voilà, Sarah Brightman a annoncé hier dans un très court communiqué qu’elle abandonnait sa place, pour des raisons personnelles. Il ne s’agit pas d’une annulation pure et simple de son contrat pour aller sur l’ISS, mais en tout cas pas sur le vol de septembre.
L’entraînement intensif a consisté à des dizaines d’heures de théorie, mais aussi à plusieurs vols en zéro gravité dans des vols paraboliques (ici à gauche, comment mettre sa combinaison en 0G).
Crédit Twitter/Sarah Brightman
Coup de tonnerre ! Ce n’était jamais arrivé jusqu’ici, qui plus est à moins de quatre mois du décollage… Si l’on peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé la chanteuse à abandonner (vu les enjeux, elle devait avoir une bonne raison !), on peut surtout imaginer les conséquences. Financières d’abord, car même si nous ne saurons jamais comment son contrat a été négocié, une partie importante des 50 millions (estimation) de dollars de la mission incluait sans doute l’entrainement. Et si elle se décidait pour un autre vol d’ici un an ou deux, les six-huit derniers mois de rigoureuses révisions en Russie seraient de toutes manières au programme.
Pas de chance, il va falloir changer le patch officiel de la mission…
Crédit Twitter/Sarah Brightman
D’autre part, il faut à présent que la partie Russe de contrôle au sol s’arrange pour remplacer la chanteuse. Avec un délai aussi court, ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air. Il y a en effet un remplaçant désigné, un autre touriste Satoshi Takamatsu, qui a de toute façon réalisé le même entraînement que Sarah Brightman. Mais ses séances de simulation ont eu lieu avec les autres remplaçants… Il va falloir agir vite pour qu’il trouve ses marques avec l’équipe principale ! Ce ne sont pas juste des collègues : ils vont vivre ensemble pour au moins 3 semaines une aventure excitante, dangereuse et pour laquelle la collaboration au plus haut degré est indispensable.
Satoshi Takamatsu (derrière le siège) et Sarah Brightman, lors d’une leçon dispensée à la Star City, à côté de Moscou. Leur formation intensive dure depuis janvier. Crédit Sarah Brightman/Space.com
Pas d’astéroïde pour PROCYON
Nous avons évoqué ensemble la mission PROCYON il y a de cela quelques semaines (voir ici pour tous les détails). Malheureusement, la sonde miniature ne pourra pas être en mesure de survoler un astéroïde comme prévu. En effet, les chercheurs et les équipes au sol, qui sont toujours en contact avec la sonde de 67kg… Mais son moteur est définitivement en panne. Les ingénieurs ont tenté plusieurs jours d’affilée de redémarrer la propulsion, mais le prototype de nouveau réacteur ionique (plasma) ne donne aucun signe de vie. A priori la cause serait connue : une pièce de métal serait venue se loger sur la grille du moteur. Dès lors que l’on sait comment fonctionne ce type de moteur (ionisation d’un gaz neutre), on se doute qu’avec une pièce conductrice au milieu du dispositif, cela doit beaucoup moins bien fonctionner… Il faut rappeler que ces moteurs produisent une très faible accélération avec un superbe rendement, mais il faut qu’ils fonctionnent très longtemps. Celui de PROCYON a fonctionné 232 heures avant la panne.
PROCYON est le petit satellite cubique en bas à gauche sur l’assemblage. il avait été lancé avec la sonde Hayabusa 2 mise en valeur sur cette photo. Crédit JAXA
Dans le même temps, même si c’est une grosse déception pour la JAXA en association sur le sujet avec l’Université de Tokyo, il s’agissait tout de même d’un vol d’expérimentation. Cet échec sera riche d’enseignements pour les équipes au sol, et mènera sans doute à un nouveau design de réacteur ionique miniaturisé. Nous en parlions récemment en évoquant les CubeSats, le marché des petits satellites et des petites sondes (moins de 100kg et/ou d’un mètre cube) est en grande progression : les sondes comme PROCYON permettent de « déblayer le terrain ». Evidemment, dans l’intervalle, c’est dommage car le survol de l’astéroïde 2000dp107 initialement prévu en mars/avril prochain avait le potentiel de nous apporter de belles photographies : 2000dp107 est historiquement le premier des astéroïdes avec des trajectoires proches de la Terre pour lequel on a découvert une lune, les deux forment un système binaire. Tant pis, ce sera pour la prochaine fois !
Images de l’astéroïde 2000dp107 prises au radar lors de sa découverte. On voit bien un petit objet tourner autour du corps principal. crédit Cornell University
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