[ISRO] La lente métamorphose
La nation indienne a un programme spatial qui évolue rapidement actuellement, afin d’achever une transition vers une agence spatiale avec des capacités plus complètes. En effet, l’Inde s’est contentée durant ses 20 premières années d’expérience de lancer des satellites de communication, et d’observation militaires. Tout cela est en train de changer. D’abord avec des missions plus ambitieuses pour ses satellites, mais aussi par une extension de ses capacités dans l’espace, avec de nouveaux lanceurs et des ambitions de premier plan…
Le lancement de Chandrayaan 1, orbiteur lunaire en 2008, a entamé un large changement pour l’ISRO
Crédit ISRO
Les satellites
L’ISRO, l’agence nationale indienne, lance entre 4 et 6 fusées par an ces dernières années. Pour une grande partie, il s’agit de petits satellites envoyés en orbite basse par le seul lanceur indien véritablement fiable, nommé le PSLV (on en a parlé en mars), qui dispose de plusieurs configurations permettant de varier les charges jusqu’à 1,5 tonnes en orbite haute. Toutefois pour les satellites à envoyer en orbite géostationnaire (comme les communications ou les réseaux de télévision), les choses se gâtent un peu. Si le satellite est petit, l’Inde dispose du GSLV, mais ce dernier est limité à 2.5 tonnes en orbite haute (36000km) et il n’est pas d’une fiabilité extraordinaire. L’Inde se tourne donc en général vers des partenaires commerciaux, au nombre desquels on retrouve Arianespace en première place avec Ariane, mais aussi les lanceurs russes Proton. La Russie dispose de liens anciens avec l’Inde, puisque c’est elle qui en premier lieu a transféré à la plus grande démocratie du monde ses premières technologies de lanceurs. Un objectif majeur de l’ISRO, c’est donc d’assurer l’autonomie du pays pour son accès au spatial sans passer par l’étranger, et ainsi en réduisant les coûts.
Un satellite IRNSS, la constellation de positionnement indienne. C’est assez rare, ces satellites sont en position géostationnaire (les GPS/Glonass/Galileo sont sur un autre plan). Crédit ISRO
L’agence indienne a un projet plus important que les autres pour ses satellites, celui de réaliser un GPS indien. Ce dernier pourra bien entendu disposer d’un volet civil, mais c’est principalement pour un intérêt militaire qu’il est développé. L’Inde est en effet dans une paix toute relative avec ses voisins, notamment le Pakistan et la Chine… La Chine qui dispose de son GPS local et qui lance avec une régularité calendaire des générations toujours plus évoluées de satellites espions. Il y a donc un intérêt important à construire une telle constellation… Puisqu’en plus, cela démontre une nouvelle capacité pour l’agence indienne, qui s’assure des contrats à long termes: un réseau de positionnement, c’est au minimum 8 satellites locaux, des stations au sol, un renouvellement périodique, des remplacements, etc… Une décision importante, donc. Le GPS indien est en bonne voie puisqu’il ne reste que trois satellites à lancer avant d’obtenir une première couverture complète du pays.
Lancement du IRNSS 1D, cette année le 26 mars 2015.
Crédit ISRO
Les lanceurs
Le petit lanceur PSLV a encore une belle carrière devant lui. Déjà parce qu’il fonctionne bien, mais aussi parce qu’il est évolutif, c’est à dire que l’ISRO peut travailler indépendamment à améliorer les boosters, ou le premier étage, sans que les autres travaux soient impactés. L’Inde travaille beaucoup sur son futur lanceur, le GSLV Mark 3, qui marquera une rupture de capacités: avec jusqu’à 4,5 tonnes en orbite géostationnaire, ce dernier promet de générer des revenus en Inde! Outre les opérateurs nationaux, le GSLV, qui s’inspire d’Ariane 5 (pour certains éléments) pourra compter sur les vols d’état, les sondes au long cours, et même le programme habité indien, puisque le lanceur a été conçu à la base avec des tolérances de sécurité très restrictives. Plus de capacités, plus de lancements, plus de fiabilité, voici l’avenir pour le programme spatial indien. D’ailleurs, la nation a démarré depuis plusieurs mois la construction d’un second pas de tir, avec les installations en double (assemblage vertical, entre autres).
La fusée PSLV peut accepter différentes versions de boosters auxiliaires, et faire varier leur nombre en fonction du lancement. Un point économique! Crédit ISRO
Le GSLV Mark 3 a été resté pour la première fois en décembre 2014 (notre article ici), et il a parfaitement réussi sa mission. Cependant, il faut savoir que la fusée était incomplète, elle n’incorporait pas de dernier étage, ce dernier est toujours en développement. Il a d’ailleurs subi un test (succès également) ces derniers jours. Il s’agit d’un étage cryogénique, transportant ses carburants sous forme refroidie et liquide, ce qui a des inconvénients (plus technique, plus instable) mais aussi des avantages certains (gain d’encombrement, meilleur rapport de puissance). C’est donc une belle étape technique en cours de validation pour le nouveau lanceur. Le second vol n’est pas prévu avant l’année prochaine, mais l’Inde prendra le temps qu’il faut: le GSLV Mark 3 est une priorité.
Le lancement du GSLV Mark 3 en 2014. Un succès d’entrée de jeu pour l’avenir des lanceurs « lourds » indiens. Crédit ISRO.
Objectifs de premier plan
La dernière décennie a été celle de l’émancipation pour l’ISRO. L’agence a grandi hors de l’orbite terrestre. D’abord avec une sonde lunaire nommée Chandrayaan lancée en 2008. Un succès venu répondre aux ambitions chinoises (ces derniers ayant au final dominé le sujet), mais qui aura surtout vu un engouement très large de la population indienne pour la mission. De quoi préparer le successeur, Chandrayaan 2, lequel introduira un atterrisseur avec un Rover. La mission devrait être lancée en 2017, et le rover visera sans doute un site proche du pôle sur lunaire. La Lune, dont nous avons parlé récemment, est un objectif de choix. Pour l’ISRO, elle permet une vitrine technologique sur les capacités de l’agence. Et depuis ses succès hors de l’orbite terrestre, l’agence a signé de nombreux partenariats, notamment avec l’ESA et la NASA.
Le plus grand succès de l’Inde est sa sonde MOM (Mars Orbiter Mission) actuellement en orbite autour de la planète rouge. Dépassant les 100 jours initiaux de sa durée de vie, l’orbiteur pourrait vivre et transmettre des données durant deux années encore. La mission a été si réussie qu’elle a propulsé l’agence indienne sur un piédestal: seuls les USA, l’ESA et l’Union soviétique avaient jusque là réussi cet exploit! Pourtant, c’est à la fois un message extrêmement important (il faut compter sur les scientifiques indiens) et un peu biaisé (les capacités finales du satellites n’ont rien à voir avec une mission des « grandes agences ») qui en ressort. Des missions plus ambitieuses vers Mars vont être à l’ordre du jour, mais il n’est pas certain que l’ISRO, qui accepte beaucoup ces derniers temps, puisse y répondre.
Voici la sonde Mars Orbiter Mission (MOM) de l’agence indienne. Elle orbite Mars sur une ellipse depuis le mois de septembre 2014. Crédit ISRO
Enfin, il reste l’objectif déclaré de l’agence indienne: réaliser une mission habitée depuis l’Inde avec des astronautes indiens. Le programme, qui table sur du moyen terme, est en bonne voie. Un prototype de capsule a déjà été testé en décembre lors du vol du GSLV, et a permis de récupérer de nouvelles données pour l’ISRO. Il este bien entendu énormément à faire, mais l’Inde espère un premier vol habité avant 2020. Avec, dès 2018, les prochains essais de sa capsule sur son lanceur final. Il faudra également les installations permettant l’accès aux astronautes, qui sera d’ici là mis en place.La capsule abritera deux ou trois indiens. Selon certaines rumeurs, elle pourrait être équipée pour se docker à l’ISS, mais cela serait très étonnant.
Aaaaand Liftoff! Une PSLV emmène l’un des 50+ satellites déjà mis en orbite par ce lanceur.
Crédit ISRO.
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