[NASA] SOFIA, un tour au Sud
Connaissez-vous SOFIA? Voilà un projet original, dans sa conception comme dans sa forme finale. En effet, le Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy est un télescope… Monté dans le fuselage d’un boeing 747 modifié. Derrière cette idée, il y a une volonté commune de la NASA et de l’agence spatiale allemande (le DLR) de disposer en tout point du globe de l’un des plus puissants télescopes infrarouges opérable à haute altitude, et donc sur lequel l’influence de notre atmosphère n’est plus un frein aux mesures. L’avion se dirige en juillet vers la Nouvelle Zélande pour une nouvelle campagne dans l’hémisphère sud: explications.
Sofia, avec sa soute en position ouverte, à 12km d’altitude au minimum.
Crédit NASA/Jim Ross
Un télescope dans un avion
Même si un ciel étoilé peut parfois nous sembler pur et clair, il n’est rien en comparaison de celui que peuvent observer les quelques instruments qui ont pu observer les étoiles hors de notre atmosphère. En l’occurrence, cette dernière déforme les observations, et peut même bloquer différentes longueurs d’ondes. Les infrarouges entre autre sont très difficilement reçus via les stations au sol à cause de l’absorption des molécules d’eau présentes dans les couches les plus basses de notre atmosphère. Cet effet est limité par l’installation de télescopes à haute altitude dans des régions très sèches (comme les hauts plateaux d’Atacama au Chili), l’utilisation de télescopes orbitaux (comme Hubble) et d’avions embarquant des moyens de mesure (comme SOFIA ou son prédécesseur, le Kuiper Airborne Observatory).
L’installation au sein de SOFIA. Difficulté particulière, la majeure partie de l’avion doit rester pressurisée… Crédit NASA
L’idée n’est pas exactement nouvelle, puisque les expériences concluantes avec le KAO ont été menées dès la fin des années 1970 (preuve de l’existence d’anneaux autour d’Uranus). Lorsque ce dernier a terminé sa carrière en 1995, la NASA a souhaité installer un télescope plus imposant de 2,4m de diamètre pour le miroir primaire. Il fallait en plus que l’avion vole haut et longtemps: le 747 était le candidat idéal. Pour le coup, l’agence américaine a hérité d’un vénérable coucou, qui a démarré sa carrière à la Pan Am en 1977, avant de passer chez United Airlines… A partir de 1997, l’avion est à la NASA et il est « travaillé au corps ». Notamment, sa soute est agrandie avec l’ajout d’une porte verticale pour le télescope. Mais le projet prend beaucoup de temps et coûte cher à construire. L’avion ne volera dans sa version définitive qu’en 2007!
Le KAO (Kuiper Airborne Observatory) sera actif jusqu’en 1995. Il transportait un télescope infrarouge équipé d’un miroir principal d’1m de diamètre. Crédit NASA.
Le télescope est pour sa part conçu et fabriqué en Allemagne, avec l’aide de quelques instruments français. Il sera utilisé sur SOFIA pour la première fois en 2010, et sa première mission est de caractériser l’atmosphère des planètes lointaines (comme… Pluton). L’avantage d’avoir un système mobile est que ses composants peuvent être assez facilement remplacés puis testés à nouveau, aussi le télescope est souvent amélioré. L’avion dans sa globalité est enfin certifié en 2014, avec la capacité de réaliser plus d’une centaine de vols par an. Au cours de ces derniers, l’avion monte au-dessus de 12000m (85% d’influence en moins des particules d’eau atmosphériques), ouvre sa porte puis réalise des mesures.
On voit bien ici la modification du fuselage du 747, taillé pour recevoir le télescope germano-américain. Crédit USRA.
Diablement efficace, horriblement cher
Paradoxalement, SOFIA est un projet qui est mort et ressuscité plus de fois qu’on ne peut le compter. Lors de sa construction tout d’abord: dans les années 1990, on pensait beaucoup à un successeur rapide pour Hubble. Ensuite, pour des questions de budget au milieu des années 2000. En 2014, à peine l’avion est-il certifié à pleine capacité qu’en novembre, la NASA annonce que SOFIA n’est pas une priorité, et que l’Allemagne devrait engager plus de fonds pour que l’avion vole. Il sera maintenu à flot par une surprenante aide du congrès qui vote une rallonge pour l’avion d’observation. Il faut dire que les scientifiques ont tout fait depuis 3-4 ans pour que SOFIA puisse faire ses mesures en toute sérénité: les résultats sont excellents! Comme le télescope est basé sur un 747, il est capable de décoller de n’importe quelle piste longue et donc de réaliser des mesures complémentaires dans des régions du monde sans ce genre d’instruments. C’est le cas lors des campagnes effectuées en Nouvelle-Zélande en 2013 et à partir de la fin du mois de juin. Pour autant, l’avenir de cet extraordinaire pièce d’ingénierie n’est pas encore sauvé des griffes du budget…
Cette vidéo montre parfaitement le fonctionnement de SOFIA, avec un accent particulier sur les instructeurs, qui sont généralement des intervenants civils envoyés par les agences NASA et DLR.
Un instrument mobile
Durant cinq semaines et une vingtaine de vols, SOFIA va donc opérer depuis Christchurch. La majorité des vols auront pour but de faire des observations dans le domaine infrarouge (mais aussi grâce à un capteur allemand pour du TeraHertz… Et il y aura ensuite une observation très intéressante: Pluton n’est pas visible dans notre ciel en ce moment, mais de Nouvelle-Zélande c’est le cas. Trois instruments (FLITECAM, HIPO et FPI) vont observer le passage de la petite planète devant l’une des étoiles connues du ciel austral. Ce transit sera très attentivement mesuré, observé et comparé aux études précédentes qui avaient montré de façon assez unanime qu’il y avait une atmosphère présente sur la Pluton (ce qui ne veut pas dire qu’elle est visible). Les équipes pourront donc fournir quelques indices pour mieux exploiter les premiers résultats lors du passage de la sonde New Horizons dans le voisinage très proche de Pluton le 14 juillet 2015.
SOFIA lors de son atterrissage à Hambourg en 2014. Les capacités de l’avion sont pour le moment uniques au monde et servent de base de test pour de futurs instruments au sol et en orbite.
Crédit NASA.
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