[NASA] Autour de la SLS
C’est peut-être le développement que nous suivons le plus dans ces colonnes, la lente mais certaine progression de la future fusée lourde américaine, la monstrueuse SLS (Space Launch System). Il faut remarquer que depuis fin 2014, la date du premier vol n’a pas changé, c’est toujours fin 2018. La fusée est un gigantesque challenge, non seulement parce qu’elle représente la nouveauté majeure de la NASA depuis les navettes spatiales au niveau lanceurs, mais aussi parce qu’elle a obligé toute l’industrie spatiale étatique américaine à se mettre à hauteur des enjeux. Depuis que l’on sait que le vol Exploration Mission 1 aura lieu en 2018 et que tous les politiciens suivent le dossier le couteau entre les dents, c’est toute l’infrastructure NASA qui change. Un remodelage visible et en profondeur, qui rappelle par son gigantisme que pour l’instant, seule l’agence américaine est capable de relever ce défi.
La capsule Orion qui a volé en décembre 2014 est actuellement à Denver chez Lockheed Martin, elle effectue des tests acoustiques. La capsule habitée sera au sommet de la SLS pour son premier vol en 2018… Crédit NASA/Kennedy/Mark Garcia
Pegasus: les travaux se terminent!
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la fusée SLS ne sera pas fabriquée en Floride, c’est simplement sur place qu’elle sera assemblée. La plus grosse des « briques » qui constituent la géante SLS, c’est son premier étage central qui mesure 65m de haut, et qui est assemblé à Michoud, près de la Nouvelle Orléans. De là, il faut que le premier étage fasse un aller jusqu’au Marshall Space Flight Center situé à 400km de là en Alabama, puis qu’il soit testé au NASA Stennis spaceflight Center à nouveau à côté de la Nouvelle-Orléans, le tout avant de prendre la mer et se rendre à Cap Canaveral en Floride. Pour tous ces déplacements, qu’il est impossible de réaliser par camion (le premier étage ne passerait ni les ponts ni les installations électriques même couché), la NASA dispose d’une barge nommée Pegasus. Les travaux de cette dernière se sont terminés au mois d’août, elle a été tout simplement agrandie! Plutôt que d’en racheter une nouvelle, l’agence américaine a fait rajouter une section au centre, ainsi que refaire tout le hangar. Alors que les modèles de pré-série pour tests vont démarrer cet hiver, la NASA est donc prête pour assurer le soutien logistique de la SLS entre ses différents centres!
Voici la barge, dans son ancienne version: la nouvelle est plus longue! On prend conscience des dimensions de ce qui sera « juste » le premier étage… Crédit NASA
Stennis B2: un stand de test très spécial
En août 2016, la NASA testera pour la première fois le premier étage de sa fusée, dans une configuration qui ne sera pas tout à fait celle du vol… Mais qui devra dans une séquence d’essais grandeur nature démarrer ses quatre moteurs RS-25 exactement comme pour un décollage. Problème, le stand de test qui est pourtant haut comme un immeuble de 15 étages, ne pouvait pas accueillir un ensemble aussi massif que le premier étage de la SLS. Après avoir sélectionné le Stand B2, la NASA a donc démarré les travaux pour réaménager la structure. C’est une gigantesque montagne d’acier qui s’est depuis élevée au Stennis center. Bientôt, les échafaudages vont laisser la place nette au coeur de la fusée, car de ce côté là aussi, les travaux structurels sont terminés. Il reste un bon nombre d’adaptations pour mieux mesurer les efforts, mais aussi mieux « lever » le premier étage en position pour les tests de mise à feu. On peut parier sur une foule considérable en 2016 lors de ces essais: il s’agira finalement d’un grand pas supplémentaire sur la route pour l’espace! Et puis l’allumage d’un seul des moteurs RS-25 dégage une puissance extraordinaire… Le premier étage de la SLS en aligne quatre, qui seront tous allumés en même temps: une véritable tornade!
Le site de test B du site NASA Stennis. C’est la forme B2 (à gauche) qui a subi d’énormes travaux permettant de supporter la structure du premier étage tout entier de la SLS, pour un test hors normes…
Crédit NASA Stennis
Fin du premier round de tests du RS 25
Depuis janvier, il y a eu sept tests impliquant un moteur RS-25 sur le site de NASA Stennis formant une batterie complète d’essais à différentes puissances et différentes durées d’allumage. Il faut dire que le RS-25 équipait jusqu’à 2011 les navettes de la NASA, à raison de 3 moteurs par navettes. Ces moteurs étaient alors en configuration réutilisable. Ils ont subi quelques changements de design afin d’être intégrés au premier étage de la fusée SLS, qui lui ne sera pas réutilisé. Notamment un nouveau contrôleur numérique pour la gestion de la puissance, mais aussi une tuyère plus légère et moins résistante puisqu’à priori, elle ne servira qu’une fois. Au cours de ces tests, le moteur a été utilisé jusqu’à 535 secondes d’affilée, la durée pour laquelle le RS-25 sera sollicité en 2018 lors du premier vol de la SLS. Poussé jusqu’à 109% de la puissance ou bien dans un régime sous-nominal à 70% de l’accélération demandée, il faut que ce moteur qui est déjà l’un des plus fiables au monde montre qu’il sera capable de bien se comporter: il y aura quelques astronautes 85m au-dessus des moteurs, dans leur capsule Orion, même si ce n’est pas en 2018. L’unique moteur RS-25 utilisé pour ces 7 tests va maintenant rejoindre le parc de 16 moteurs prêt à l’emploi. Une nouvelle unité assemblée au printemps va être testée cet hiver, avant qu’un nouveau cycle d’essais reprenne l’an prochain en attendant le grand test avec tout le premier étage. L’idée, c’est de disposer de plusieurs heures de fonctionnement des moteurs pour connaître la source des moindres variations, et adapter le contrôleur à ces situations.
Le dernier test d’un moteur RS-25 le 27 août au Stennis Center (stand A). Le moteur est allumé durant près de neuf minutes: quelle puissance! Crédit NASA Stennis
Capsule Orion: tests de parachutes
La capsule Orion a pour sa part déjà réalisé son premier vol orbital, en décembre 2014. Lancée à l’aide d’une fusée Delta IV Heavy, elle avait réussi une orbite à près de 6000km d’altitude avant de rentrer dans l’atmosphère à haute vitesse. Si elle ne paraît pas révolutionnaire, Orion est tout de même bien plus imposante que les autres capsules passées ou en service: cela implique des systèmes de sécurité à peaufiner, des matériaux plus résistants, des blindages spéciaux… C’est pour ça que jeudi dernier, un avion C5 Galaxy de l’US Air Force a largué une fausse capsule Orion (mais de la même masse) depuis sa soute arrière. Il s’agissait dans ce test assez important d’observer le comportement du vaisseau avec plusieurs anomalies lors du déploiement des parachutes. En effet la NASA a volontairement bloqué le déploiement d’un des deux parachutes de freinage, puis l’un des trois parachutes principaux. Si l’on ne connait pas toutes les données, on peut déjà dire que le déploiement des autres systèmes s’est bien déroulé. La capsule a rudement touché le sol avant de basculer à l’envers, mais semble globalement intacte: de nombreuses plaques de mousse destinées à simuler la forme d’Orion lors du largage se sont détachées. Il y a toutefois des limites à ce genre de tests qui sont réalisés tous les 4 à 6 mois: la vraie capsule Orion est trop imposante pour rentrer dans un C5-Galaxy. Elle serait également un peu plus stable que celle présentée lors des essais.
Un test un peu inhabituel… Mais sur cette nouvelle structure, il ne faut aucun faux pas. Le projet entre bientôt dans les dernières phases, 9 ans après la genèse…
Les éléments européens vont arriver
Dans les prochaines missions de la capsule Orion, c’est l’agence européenne (l’ESA) qui se charge de construire le module de service pour le vaisseau habité. L’adaptateur entre les deux énormes composants d’ingénierie est conçu par Lockheed Martin qui réalise aussi Orion. Le module de service contiendra de l’air, de l’eau pour l’équipage ainsi que du carburant et de quoi assurer l’apport en électricité (panneaux solaires), sans compter un propulseur principal. La première fois qu’Orion, l’adaptateur et son SM (Service module) se rencontreront, ce sera sur le site NASA de Plenn Brook, sur la côte Est, pour des tests structurels. Les trois éléments seront ensemble d’ici quelques semaines, mais ce seront tous des pièces de test (sauf peut-être Orion, ce sera la capsule qui a volé en décembre). L’adaptateur est déjà sur place, les équipes de Plumm Brook attendent le module européen. Nous avons hâte de voir cet assemblage sur le banc de test, car ce sera une première mais aussi une belle preuve de l’avancée du projet dans une phase déterminante: celle des derniers tests avant de produire le matériel pour l’Espace. Rappelons que quand même, il faudra que ces éléments puissent résister à au moins 21 jours en orbite lointaine autour de la Lune….
L’adaptateur entre Orion et son module de service, chez Lockheed Martin. On imagine la taille de l’ensemble quand on sait qu’il ne s’agit que d’une pièce de transition… Crédit Lockheed Martin, Linda Herridge
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