[Chine] La lente montée en puissance
Avec une opacité des budgets et des agences qui fleure bon les années 70 et la tapisserie à fleurs orange, la Chine ne communique pas sur le budget de son agence spatiale nationale. D’autant que ce serait biaisé, une grande partie des lancements étant dédiés à des usages militaires (et donc liés au budget de l’Armée Populaire de Libération, l’APL). Pas de société externe à qui faire construire et opérer les fusées, pas de marchés ouverts pour l’attribution des pas de tirs, tout juste la Chine est-elle rentrée sur la scène mondiale en proposant ses services pour placer des satellites en orbite. Avec un certain succès faut-il le préciser: le pays conjugue des prix bas avec des prestations très fiables, mais aussi dispose d’un secrétariat d’état qui sait faire jouer les alliances nationales.
La CZ-3B, toute en longueur! On a du mal à l’imaginer, mais le diamètre de la coiffe est de 4,4m.
Crédit ChinaSpaceflight
BelinterSat-1, les chinois au-dessus de l’Europe
Eh oui le premier lancement orbital de l’année 2016, une réussite qui plus est, a été attribué à la Chine, qui a envoyé une fusée Longue Marche 3B/G2 sur une orbite de transfert géostationnaire. Le satellite associé, à présent en route pour se placer en orbite à 35700 km d’altitude se nomme BelinterSat-1. Fabriqué par Thales Alenia Space, le coeur opérationnel de ce petit bijou de 5,5 tonnes est venu se greffer au sein d’une architecture (on appelle cela un bus) chinoise, la plate-forme DFH-4. Comme les 32 vols précédents de la fusée depuis 2009, tout s’est très bien passé. La Chine commence a avoir une réputation exemplaire en matière de fiabilité, avec des lanceurs qui font des sans-fautes des années durant! La génération actuelle de fusées (Longue Marche 2D, 2F, 3B, 3C, 4B et 4C) a été développée dans les années 70, 80 et 90: après de nombreux échecs, la famille a été affinée jusqu’à ce qu’émergent les lanceurs d’aujourd’hui. De conception totalement chinoise, elles seront remplacées d’ici 2020 progressivement par de nouvelles fusées qui sont encore en test aujourd’hui. Entre temps regardez moi ces statistiques (CZ veut dire Chang Zheng ou Longue Marche):
BelinterSat-1, le premier satellite de la Biélorussie.
Crédit CAST
CZ-2D: 26/26 lancements réussis, pas un échec en 24 ans.
CZ-4(B et C): 45/46 lancements réussis, un seul échec en 2013
CZ-3(B et C): 45/47 lancements réussis, le dernier échec en 2009. C’est le lanceur le plus utilisé par la Chine, réalisant notamment tous les décollages pour l’orbite géostationnaire
CZ-2F: 11/11 vols réussis. C’est le lanceur habité chinois.
Quant à BelinterSat-1, il sera opéré par la Biélorussie pour les quinze ans de sa durée de vie en opérations. C’est un satellite de communication public national, qui sera utilisé pour les services mobiles, de télévision nationale et d’accès au réseau. Cependant, fait assez notable, ce satellite sera aussi partiellement utilisé par l’opérateur chinois China Satcom qui a loué quelques transpondeurs au gouvernement belarusse. Cela veut donc dire aussi que les chinois vont disposer de quelques capacités chinoises de communication au-dessus de l’Europe!
La CZ-3B a son pas de tir dans les montagnes, un lieu stratégique et tenu secret durant des années. Les lancements ne sont toujours pas retransmis en direct.
Crédit CCTV
Un plan pour Chang’e 4
Nous l’avons déjà évoqué à de nombreuses reprises, le plan chinois d’exploration spatiale est assez étoffé. Du côté habité notamment cette année avec l’apparition si tout se passe bien d’un nouveau module de station orbitale de test, qui sera accompagné d’une mission habitée avec trois astronautes d’ici la fin de cette année. L’année prochaine, ce sera sans doute Chang’e qui volera à nouveau la vedette. Eh oui, vous vous souvenez du programme lunaire de la Chine! Déjà trois missions et de grands succès comme des insertions en orbite autour de la Lune, des changements de trajectoires (point stable lunaire L2), des simulations de rencontres de vaisseau en orbite… Mais aussi l’atterrissage en 2013 de l’atterrisseur Chang’e 3, et de son petit rover Yutu. Il semble que tous les deux sont encore en vie, même si Chang’e 3 ne peut plus faire de sciences, tandis que le rover est immobilisé. Un grand succès international.
Yutu, LA star de 2013! Le robot a parcouru une soixantaine de mètres sur la surface lunaire et survécu avec toutes ses fonctionnalités à deux nuits lunaires de 15 jours.
Crédit New China
Chang’e 5 prévu en 2017 fera normalement encore plus fort. Le plan prévu est celui d’un atterrissage lunaire d’un petit module robotisé, lequel remplira une capsule de quelques centaines de grammes de poussière lunaire, avant de redécoller et d’arriver en orbite lunaire. Là, le vaisseau se raccroche avec la partie orbiteur laissée avant atterrissage, et repart vers la Terre, ou il livre ses échantillons après une rentrée atmosphérique. Une mission qui devrait avoir des échos planétaires si elle réussit (même si le rover lunaire avait déjà beaucoup fait parler de lui!). Le plan pour Chang’e 4 a été officiellement dévoilé cette semaine. Chang’e 4 était initialement un « atterrisseur/rover » de rechange, prévu en cas de raté de la mission Chang’e 3. Comme cette dernière a réussi, les chinois ont pris le temps de concevoir une nouvelle mission tout en modifiant le vaisseau avec leurs retours d’expérience.
Chang’e 3, pris en photo par le rover Yutu en décembre 2013. C’est la mission qui a vraiment fait connaître le programme lunaire chinois. C’est aussi le premier vaisseau à se poser sur la lune depuis 1973. Crédit Xinhua
La nouvelle mission Chang’e 4 est donc prévue pour 2018. Dans une première phase, un orbiteur ira se placer au point Terre-Lune L2, d’où le vaisseau disposera d’une vue stable sur la face cachée de la Lune. Ce satellite servira de relais de communication: en effet Chang’e 4 ira se poser sur la face cachée! Plusieurs sites seraient à l’étude, mais l’un des plus intéressant serait proche du pôle sud lunaire, le fameux bassin Aïtken (APB). Il s’agit d’un point que les scientifiques et planétologues voudraient étudier depuis des années, car il pourrait contenir de la glace d’eau, mais également renfermer plusieurs secrets sur la composition lunaire et sur l’apparition d’eau sur Terre. On ne sait pas encore si Chang’e aura le droit de conserver son rover, mais la mission sera sans doute l’une des plus excitantes!
En tout cas, la Chine conserve un profil d’environ une mission importante par année sur l’exploration spatiale…
La plupart des nouvelles missions d’exploration chinoises ont besoin d’une fusée de grande puissance. C’est la Chang-Zheng 5, et elle est en test au sol au sein de ce pas de tir. Des essais de moteurs (et pas les premiers) ont encore eu lieu en janvier.
Crédit Sino Defense
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