[Record] Le vaisseau solaire le plus éloigné du Soleil
Quand on y réfléchit un peu, la question de la source d’énergie ne se pose pas souvent, quand on prépare un satellite ou une sonde. Les constructeurs prévoient une surface de panneaux solaires proportionnelle à la consommation des équipements, et puis du moment que ces derniers se déploient correctement en orbite et que les batteries se chargent, on n’en entend plus parler. Dans l’espace, il faut même savoir que les cellules photovoltaïques sont beaucoup plus performantes que sur Terre, grâce à l’absence d’atmosphère. Mais toutes ces belles théories volent un peu en éclat lorsqu’il s’agit de s’approcher ou de s’éloigner du Soleil.
Juno détient à présent le record du vaisseau le plus lointain alimenté par le Soleil.
Crédit NASA
Jupiter, cette limite
Vous l’aurez compris, lorsqu’on s’approche du Soleil, il faut réduire la voilure ou incliner les panneaux: certains n’y survivraient pas (et surtout pas les régulateurs qui contrôlent l’alimentation des batteries). Mais de ce point de vue, il n’y a aucun souci à s’approcher du Soleil pour ce qui est de générer du courant. Les sondes Helios, lancées en 74 et 76 détiennent toujours le record de la plus faible distance avec le Soleil à environ 43,4 millions de kilomètres. Là ou cela devient plus problématique, c’est lorsqu’on s’éloigne du Soleil. Entre la Terre et Mars, pas de souci: les pertes ne sont pas significatives. Plus loin par contre, il faut augmenter la surface des panneaux et optimiser la consommation énergétique de son vaisseau. Ce qui n’empêche pas d’avoir des sondes avec des panneaux solaires, comme Dawn qui orbite Ceres, laquelle se trouve dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter.
La trajectoire des sondes Helios dans les années 80, les a emmené plus proches du Soleil que l’orbite de Mercure. Crédit NASA
L’ancienne tenante du record d’éloignement, c’est Rosetta! Cela peut paraître bizarre puisque cet été même, la sonde se trouvait plus proche du Soleil que la Terre… Mais la trajectoire de la comète 67p Churyumov-Gerasimenko est, comme la plupart des petits corps du système solaire, assez elliptique. 67p orbite jusqu’à la ceinture d’astéroïdes. Mais depuis le 13 janvier, c’est la sonde américaine Juno qui a battu le record en franchissant la limite des 793 millions de kilomètres du Soleil. Jupiter est considéré pour l’instant comme la frontière des missions qu’il est possible de faire avec des panneaux. Au-delà, les surfaces à considérer sont trop importantes et le rendement, trop faible! C’est la raison pour laquelle les sondes comme Cassini (en orbite de Saturne), New Horizons (qui a passé Pluton cet été) ou les sondes Voyager (1 et 2) sont équipées de réacteurs RTG, pour Radioisotope-Thermal-Regulator. Tant que le conteneur qui contient le coeur d’un RTG est étanche, c’est un très bon moyen de trouver de l’énergie: au milieu de tout cela, une petite barre de plutonium 238 capable de générer environ 300W durant au moins 30 ans.
La sonde américaine New Horizons et son RTG (à gauche). Les ailettes sont là pour dissiper les résidus de chaleur. Crédit NASA
Bien entendu, on n’utilise pas du nucléaire au hasard: ces missions sont longuement calculées et débattues en commission avant d’être lancées, sur les fusées les plus sures au monde sans regarder au portefeuille pour la sécurité. On pourrait aussi argumenter en disant que le RTG, c’est plus cher. En terme de matériel, c’est vrai. Mais arrive un moment ou l’on a pas les ressources matérielles pour envoyer des sondes avec 200m² de panneaux photovoltaïques… Il faut bien les ranger quelque part! A noter que pour le moment, seuls les américains ont (à ma connaissance) lancé et réussi des missions planétaires avec des RTG. Et cette décennie, une seule mission en a bénéficié, c’est Curiosity (New Horizons a été lancée en 2006). Aucune autre mission n’est prévue avec ce genre de réacteurs avant 2020 et le successeur de Curiosity. Ce vaisseau précédera la sonde Europa Clipper, dont le lancement pourrait intervenir en 2023 et qui possédera sans doute un RTG aussi. Les USA ont produit cet hiver suffisamment de nouveau plutonium 238 pour deux nouvelles missions.
Vue d’artiste de Juno devant Jupiter. Avec ses trois grands panneaux, la sonde a du tout de même économiser sur les équipements scientifiques gourmands en énergie… Crédit NASA/JPL-Caltech
Juno bat le record
Juno se dirige vers Jupiter, et la sonde devrait s’insérer en orbite progressive de la planète la plus massive de notre système Solaire d’ici cet été. Le record que le vaisseau va établir devrait tenir un moment, au moins dix à quinze ans, d’ici que la mission européenne JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer) arrive autour des lunes de glace de Jupiter. Ganymède notamment, qui orbite assez loin de Jupiter pour aider un nouveau record. Toutefois pour Juno déjà, maintenir une bonne production électrique avec des panneaux photovoltaïques, c’est un vrai défi: les cellules pouvaient fournir 14KW en orbite terrestre, et seront capables d’injecter seulement 500W aux systèmes de la sonde en orbite. Et pour cela, il aura fallu que Juno embarque trois « branches » de panneaux solaires orientés en triangle. La sonde tourne lentement sur elle-même pour assurer un ensoleillement constant et se stabiliser.
Juno a fait un passage proche de la Terre pour bénéficier de l’assistance gravitationnelle. L’occasion de tester les instruments… Crédits: voir sur l’image.
Pour aller orbiter Jupiter, il aura aussi fallu renforcer le vaisseau contre les radiations. C’est important de le savoir: la plus grosse planète est aussi celle qui dispose du plus important champ magnétique, capable de perturber de très nombreuses mesures. La mission de Juno est d’ailleurs d’en savoir plus sur cette magnétosphère, de vérifier ses fluctuations… Ou tout du moins c’est l’un des objectifs: la sonde inclut aussi l’observation attentive de l’atmosphère de Jupiter et la réponse espérée à une question de très longue date: savoir si oui ou non cette géante gazeuse dispose d’un coeur solide ou non.
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