[Arianespace] Objectif 12
Arianespace réalise un bon début d’année. Bien entendu, son concurrent américain SpaceX continue de faire une publicité à tout va, qui paie (TeleSat vient de signer deux nouveaux satellites avec l’américain) et force l’entreprise européenne a optimiser ses processus, tout en améliorant ses lanceurs pour rester plus compétitif. Pour autant, l’innovation « lente » et incrémentale proposée par Arianespace est pour l’instant une véritable réussite. Plus encore que d’être un acteur majeur pour les lancements commerciaux, l’entreprise basée à Evry est confirmée comme la solution européenne unique. Et le marché est en pleine expansion. Les satellites Copernicus (Sentinel 1 à 6), la constellation Galileo, les satellites de défense des pays de l’union… N’en déplaise donc à ceux qui pensent que la baisse des coûts engagée par SpaceX signe le début de la fin pour Arianespace. Avec l’accès à l’espace européen et la meilleure réputation commerciale possible, ces derniers ont encore de belles cartes à jouer.
Vega s’envole pour la mission Lisa Pathfinder, en décembre dernier
Crédit Arianespace/CNES/ESA
Un coup de boost pour Galileo
Après six satellites mis en orbite sans une ombre au tableau l’année dernière, Arianespace avait jusqu’ici un seul vol de prévu pour la constellation de positionnement Galileo. Ce dernier doit avoir lieu en septembre/octobre et transporter quatre satellites en une fois sur un vol d’Ariane 5, par opposition aux décollages précédents (Soyouz) qui en embarquaient deux. Avec ces quatre satellites supplémentaires, les capacités initiales prévues pour 2016 seront renforcées avec des plans orbitaux plus uniformes (il y a actuellement 6 satellites « finaux », 4 satellites « initiaux » différents et 2 satellites sur le mauvais plan orbital) et un signal plus stable. Mais OHB, qui produit et assemble les satellites Galileo, en produit six par an. Mise sous pression par la mise en service et la concurrence d’autres nations spatiales, l’Europe a décidé d’accélérer le déploiement: une fusée Soyouz décollera en avril/mai avec deux satellites Galileo en avance de phase. L’objectif reste d’avoir 30 horloges atomiques dans l’espace pour la constellation européenne d’ici 2020… Ironiquement, c’est le réseau terrestre et la diffusion d’appareils compatibles qui risque de piétiner.
Deux satellites Galileo dans la coiffe de Soyouz.
Crédit ESA
Le vol d’Ariane 5 prévu pour emmener 4 satellites Galileo en un vol signera le retour sur le devant de la scène de la version « ES » de la fusée (c’est Ariane 5 ECA qui décolle habituellement). La version ES était jusqu’ici uniquement utilisée pour les cargos ATV à destination de l’ISS. Elle n’a donc volé que 5 fois, avec le plus récent décollage en août 2014. Au moins 5 vols d’Ariane 5 ES sont commandés avec le déploiement de Galileo. Comparé à Ariane 5 ECA, le second étage est différent. Il embarque moins de carburants, mais il est ré-allumable ce qui lui donne plus de souplesse pour des profils de mission complexes.
Ariane 5 ES. Crédit ESA
Vega C: c’est presque l’heure!
Vega C, version améliorée du lanceur européen Vega, doit être mise en service d’ici deux ans. Pour l’instant, cette fusée construite par Avio (Italie) et assemblée à Kourou est un véritable succès avec six lancements et six réussites. Sa capacité d’emport de moins d’1,5 tonnes sur orbite héliosynchrone a rencontré un marché grandissant maintenant que les satellites sont de plus en plus légers. Mais il reste un grand nombre de profils de mission qui finissent pour le moment par utiliser Soyouz alors qu’une Vega améliorée pourrait s’en charger. Cela permettra une mutualisation des coûts, mais aussi une dépendance moins prononcée à l’industrie russe! Plus important encore, Vega C sera surtout la première fusée à utiliser le premier étage à propulsion solide P120. Un puissant mix à poudre qui sera utilisé et testé non seulement pour Vega C, mais pour Ariane 6. Les dernières réunions de design et la validation finale sont prévus pour cette année. Arianespace, qui va commander plusieurs Vega à Avio pour couvrir sa période 2017-2019 fera probablement un mix entre des Vega classiques et des Vega C.
En 6 lancements, Vega s’est taillée une belle réputation. La fiabilité et la ponctualité sont toujours des facteurs majeurs. Crédit Arianespace
Dans ce marché, Vega a encore une belle carrière devant elle. A part Soyouz 2.1A, les concurrents de la fusée sont les missiles russes Dnepr, Rockot, Strela… Mais ces derniers sont peu à peu retirés des plans de vente russes. Il en reste de moins en moins, et comme les commandes sont rares, les prix augmentent de façon significative. Les constructeurs comme la plupart des pays qui ont besoin d’orbiter des satellites de surveillance en orbite basse polaire/héliosynchrone ont donc assez peu de choix aujourd’hui… Sauf s’ils sont prêts à acheter russe (le secteur va mal) ou chinois. Ces derniers ont la CZ-6 et la CZ-4 particulièrement adaptées à la même gamme orbitale… Mais ils ne sont pas encore aussi ouverts sur le monde qu’Arianespace… Laquelle profite aussi des considérables services des affaires étrangères de l’union européenne, notamment français.
Ariane 6… Toujours prête pour 2020?
Crédit Airbus Safran Launchers
Airbus Safran Launcher piétinne
La réunion d’Airbus Defense and Space et de Safran a été signée dans une lettre d’intention le 1er janvier 2015. L’entreprise était créée, et 400 personnes ont immédiatement commencé leur travail sous la nouvelle appellation, principalement au service du design préliminaire d’Ariane 6. Mais la fusion en « joint venture » devait être effective quelques mois plus tard. Aujourd’hui, fin février 2016, la réunion en une seule entité n’est pas encore actée. Il y a d’abord eu les soucis liés au budget que l’ESA allait injecter dans la réunion pour financer Ariane 6. Et ce n’était pas rien: une paille de près de 800 millions d’euros. Puis les négociations se sont orientées vers ce que Safran allait apporter au grand deal. Et depuis fin 2015, le dossier est complet… Mais il a été envoyé très tard aux autorités françaises et européennes. Si apparemment la justice française ne voit pas trop d’inconvénients au rapprochement, l’Europe a lancé une enquête anti-trust, et non sans raison: ce sont deux des grands noms européens qui se rapprochent dans un marché fermé en créant un géant.
Plus Angara et Falcon Heavy prennent de retard, plus Ariane 6 a du sens. Encore faudrait-il qu’elle soit elle aussi présente sur le marché… Crédit Airbus Safran Launchers
Pourtant, que ce soit volontaire de la part d’Airbus Safran Launchers ou non, il y a urgence. Selon l’aveu même de la nouvelle firme, si la réunion n’est pas effective au mois d’avril, il sera très difficile de tenir les délais pour voir Ariane 6 en 2020. Jusqu’ici, un discret changement de mentalités s’est effectué: on parle à présent de « fin 2020 » sans trembler parce que le constructeur ne s’est jamais mouillé à proposer une date exacte pour un premier lancement. Mais il faudra qu’ASL soit réunie pour que les travaux démarrent vraiment. Et encore, cela n’inclut pas d’éventuels retards techniques: lors d’une discussion indiscrète au Bourget 2015, on m’a confirmé sur le stand de Safran que le calendrier était déjà particulièrement tendu…
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