[ISS] Sortie russe, et une fleur
Oui oui, une fleur. On m’a fait remarquer ces deux derniers jours que je n’ai pas parlé ici des fleurs de l’ISS, ce qui est fort regrettable: un peu de botanique dans ce monde de brutes… Pour cela, il faut revenir un peu en arrière: vous vous souvenez sans doute que Scott Kelly avait annoncé avoir raté ses cultures de l’expérimentation Veggie, fin décembre (article ici) ? Eh bien grâce à la coordination avec des équipes au sol, les plants ont pu être sauvés… A tel point qu’une zinnia a fini par fleurir, au grand plaisir des astronautes. La ou les fleurs en question, une fois récoltées, ont figuré sur de nombreux clichés magnifiques. Elle et ses congénères seront congelées avec la plupart des résultats de Veggie, pour analyses lors d’un prochain retour sur Terre.
Quel dommage que Scott Kelly rentre sur Terre début mars: il est (opinion personnelle) l’un des meilleurs photographes parmi la communauté des astronautes.
Crédit Scott Kelly/NASA
Ce n’était pas, comme certains ont pu le titrer, la première fleur à éclore en orbite. Les russes avaient déjà réussi l’expérience sur leur station MIR dans les années 1990, et même l’astronaute Don Pettit avait fait grandir un tournesol sur l’ISS en 2012. Cependant, la zinnia est très intéressante car elle a plusieurs propriétés en plus d’être jolie: elle a un cycle de floraison très court et elle est comestible. Ce qui explique sa présence sur Veggie, qui a pour but de tester la viabilité des cultures en zéro G pour des missions lointaines. Je l’avais déjà écrit à l’époque, mais les résultats sont prouvés: ces plantations ont un effet aussi important physiologiquement que psychologiquement…
En haut: les zinias de l’ISS, photo du début de semaine (crédit Scott Kelly/NASA)
En bas: fleur de tournesol (partielle) obtenue par plantation en sac en 2012 (crédit Don Pettit/NASA)
La sortie russe de ce mercredi
Ce mercredi, Youri Malenchenko (arrivé en décembre 2015) et Sergueï Volkov (arrivé en septembre 2015) ont réalisé la première sortie extravéhiculaire russe de l’année. La première en six mois d’ailleurs, depuis août. Il faut dire que la partie russe n’a pas à s’occuper de changements de configurations en vue de nouveaux cargos, ou de types d’écoutilles: les choses n’ont pas changé en dix ans et ne changeront pas dans les années à venir… Pas avant fin 2017 au moins, et la possible arrivé du module laboratoire russe MLM Nauka, dont le lancement est repoussé si souvent qu’on n’y croira vraiment le jour du décollage. Du coup côté russe, il s’agit en général de réparations, de vérifications ou d’expériences: aujourd’hui ne dérogeait pas à la règle et une foule de petites taches ont pu être menées à bien.
Pour une fois, vraiment pas facile de différencier les deux astronautes russes: ils portaient tous deux des combinaisons à marques bleues (en général une bleue et une rouge). Crédit Scott Kelly/NASA
Comme elle change très peu, et que les principaux modules y sont présents depuis une grosse quinzaine d’années, la partie russe de l’ISS est un formidable témoin de l’usure des matériels en orbite basse. Donc pour démarrer, Youri et Sergueï ont pris des échantillons sur plusieurs surfaces, notamment des hublots, avant de les stocker provisoirement dans le sas de décompression: une opération qui ressemble fort à celle de la police scientifique lorsqu’elle « passe les cotons-tiges »: les Experts, version ISS. Après cela, il y a eu un geste de mémoire: une clé USB a été jetée vers la Terre, contenant des messages relatifs aux 70 ans de la victoire de la Russie pour la seconde guerre mondiale. Un lancer solennel, mais qu’il ne fallait pas rater, sous peine de le voir revenir avec un angle différent et une vitesse plus élevée une heure plus tard… Les deux astronautes ont ensuite refermé une expérience présente sur le « toit » de la station depuis moins de deux ans: Expose-R2. Envoyée sur l’ISS par l’ESA, cette « valise » contenant des échantillons exposés au vide et/ou au rayonnements externes est la suite d’une première version Expose-R qui a eu lieu entre 2009 et 2011. Constituée de 758 échantillons de bactéries, d’arthropodes et de champignons, elle sert d’expérience témoin pour la résistance et l’évolution des matériaux dans l’espace.
Une sortie en EVA, que ce soit avec les scaphandres russes (ici les Orlan) ou américains, est toujours un moment très spécial dans la carrière d’un astronaute. Quel environnement!
Crédit NASA TV
Les deux astronautes russes ont donc placé une couverture sur Expose-R2, avant de la rentrer dans l’ISS, avant de placer sur un emplacement similaire un autre container (russe cette fois) pour l’étude de métaux avec différents revêtements. Ils ont installé plusieurs câbles de maintien et des points d’accroches pour d’éventuelles futures opérations avec des astronautes (il y a de plus en plus d’inspections poussées à des endroits encore non accessibles) avant de vérifier l’état extérieur des joints et de l’écoutille du sas numéro 2. Oui, il y a deux sas russes en activité sur l’ISS… Dans des modules sensibles qui servent également de passage pour accéder aux capsules qui y sont attachées: Progress, et même les vaisseaux habités Soyouz, ce qui n’est pas sans poser un problème théorique: si par pur hasard un souci de dépressurisation devait arriver avec l’un ou l’autre sas, il serait difficile d’accéder à sa capsule… C’est pourquoi les sorties se font toujours d’un côté avec un vaisseau cargo, ou bien avec l’équipage déjà dans la capsule en cas de problème. Une inquiétude pour rien aujourd’hui: après 4h45 d’intenses efforts, Youri Malenchenko et Sergueï Volkov sont tranquillement rentrés au sein de la station orbitale.
Prise d’échantillons sur un hublot (ici en position fermée) à l’aide d’un « coton tige » spécial.
Crédit NASA TV
Les deux astronautes russes juste après le début de leur sortie spatiale, à côté du module Poisk qui contient le sas et l’écoutille. Crédit NASA TV
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