[Webb] Miroirs, mes beaux miroirs
Grande étape aujourd’hui pour le futur télescope spatial qui aura la lourde tache de remplacer Hubble. En effet, au Goddard Space Flight Center, les équipes ont installé le dernier des 18 miroirs primaires du Webb Space Telescope. Une grande étape qui vient couronner des années de fabrication, et qui marque une accélération vers la date du lancement. Toutefois entre l’assemblage qui va continuer toute l’année et les tests, on ne verra arriver le JWST sur le site de Kourou qu’au cours de l’année prochaine. Eh oui, c’est bien de Guyane française qu’une fusée Ariane 5 aura la responsabilité d’emmener le télescope vers sa zone d’exploitation, à 1,5 millions de kilomètres de la surface de la Terre: un contrat signé en décembre pour un lancement à haut risque… Le JWST a coûté des dizaines de milliards de dollars pour une technologie unique et une large surface de miroirs, qui pourrait permettre d’observer jusqu’aux confins de l’univers connu, à plus de 13,5 milliards d’années-lumières.
Le JWST est finalement équipé de ses 18 miroirs primaires! Il est en position déployée en attendant la pose du miroir secondaire, en haut sur la photo. Crédit NASA/Chris Gunn
18 miroirs sur le « backbone »
Le miroir primaire, c’est tout ce qui fait la spécificité du JWST. Difficile de ne pas être impressionnés: 18 miroirs de 1,3m de large et taillés en hexagones, à la surface polie au dixième de micron près, pesant seulement 40 kg chacun. Une fois déployé, le miroir fera 6,5m de diamètre, soit presque trois fois plus que celui de Hubble. Protégée de la lumière du soleil par un gigantesque écran/radiateur qui protégera ses instruments et leur super-refroidissement, le « backbone » est la structure qui soutient les miroirs primaires, secondaires et tertiaires, ainsi que les différents capteurs. La phase d’assemblage des miroirs, dont certains sont terminés depuis plus de trois ans, a démarré tout début décembre, et s’est poursuivie à un rythme soutenu… Même si la tache n’est pas évidente: il s’agit surtout de ne pas déformer les pièces, de ne pas briser ou maltraiter les protections des miroirs et de les placer sur la structure avec une extrême précision.
Fruit de la coopération internationale, le JWST avec le bras ici installant le dernier miroir primaire, est un projet qui aura coûté plus de 10 milliards de dollars. Crédit NASA/Chris Gunn
Pour ce faire, rien de tel qu’un robot. Un bras robotisé pour être exact, avec une sorte de ventouse en guise de main pour déplacer les miroirs. De quoi donner quelques sueurs froides, mais tout s’est bien déroulé: il faut au moins une dizaine d’heures prudentes pour descendre l’un des 18 miroirs à son emplacement final, sous la supervision de plusieurs équipes. Et l’assemblage final ne fait que commencer: d’ici quelques semaines le miroir secondaire, puis le tertiaire seront installés, avant la suite d’instruments… Une fois le backbone assemblé, il sera testé (accoustique, vibrations) et analysé. Ensuite seulement il sera accouplé au vaisseau qui soutiendra le télescope: La « jupe » déployable à 5 couches isolantes, et l’électronique de vol, ainsi que des petits propulseurs et les cellules photovoltaïques pour l’électricité. De plus, maintenant que le lancement du JWST est commandé, les équipes sont un peu plus sous pression pour boucler les travaux dans les temps. L’assemblage correct des miroirs est une étape très significative!
Difficile d’imaginer la taille réelle du vaisseau, quand on sait que seuls les miroirs auront déjà une envergure de 6,5m! L’ensemble avec la structure et les radiateurs sera gigantesque. Crédit Northrop Grumman
Les tests et simulations se poursuivent
Evidemment, tout ne se joue pas au Goddard: en parallèle de l’assemblage, les tests se poursuivent pour le reste du matériel, qu’il s’agisse d’articles de vol (comme la suite d’instruments de mesure) ou de tests pour le backbone « bis », un second élément construit à l’identique et utilisé pour les essais. Le 30 novembre, la structure équipée de deux miroirs également en condition de vol a terminé plusieurs semaines de tests avec des températures oscillant entre 50 et -240 degrés celsius! Il faut en effet que la structure ne se déforme en aucune condition, que ce soit en opération (et donc à l’ombre et au froid) mais aussi durant la période de transit vers le point de Lagrange L1 à 1,5 millions de km d’ici… Voyage dont une partie se fera avec le « pare-soleil » non déployé, et donc à des températures plutôt élevées.
La chambre de tests au froid et à vide, ici au Johnson Space Center, est la plus imposante au monde.
Crédit NASA/Chris Gunn
Pour l’ensemble des capteurs, ordinateur de traitement embarqué et autres filtres optiques qui forment le « bloc de traitement » du télescope James Webb, le mois dernier représentait celui du passage au banc électromagnétique. Placé dans une chambre anéchoïque, ce dernier est testé intensivement. Les émissions à différentes longueurs d’ondes, d’abord. Puis la réception des commandes émises, avec différentes intensités (qui sait si les antennes ne seront pas endommagées après le décollage…). Plus encore, il a fallu mesurer les perturbations que différentes longueurs d’ondes causaient ou non sur la prise d’images… Les instruments si sensibles du télescope vont disposer d’une résolution absolument ahurissante pour tenter de percer les secrets de l’univers lointain, ou de détecter le transit planétaire de nouvelles exoplanètes: pour cela, la moindre vibration, le plus petit flouté ou le bruit de mesure sont des risques tout aussi tangibles que des fuites de carburant, un miroir fissuré ou une antenne mal alignée. Tant de sources de risques et, comparé au lancement de Hubble, aucune façon de corriger le tir: le JWST n’est pas conçu pour être l’objet de « missions de service » en orbite: il sera de toutes façons hors d’atteinte…
Derrière l’équipe, au sein de la chambre de tests, les équipements scientifiques du télescope Webb. Remarquez la structure transparente et bardée de capteurs… Crédit NASA/Chris Gunn
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