[NASA] La mission OA-6 décolle
C’était la 106è mission réussie pour United Launch Alliance: faire décoller et mettre en orbite le cargo Cygnus d’Orbital-ATK vers l’ISS. Un très beau succès qui amènera le vaisseau à se docker à la station d’ici samedi, après plusieurs manoeuvres de rapprochement… Les chiffres sont impressionnants, puisque la capsule embarque près de 3,4 tonnes de fret pressurisé! Le début d’un ballet assez technique pour l’ISS, puisque la semaine prochaine, c’est un cargo Progress qui va décoller, et le 8 mars, SpaceX enverra sa propre capsule de ravitaillement vers la station: les réserves seront pleines!
Vidéo complète du lancement d’Atlas-5 emmenant la capsule Cygnus OA-6.
Toujours impeccable sur la réalisation!
Profil de vol, et une surprise…
Pour son 62è décollage, la fusée Atlas 5 emmenait donc le cargo Cygnus. La masse de la capsule étant supérieure à 7 tonnes, ce n’est pas un poids plume, mais l’orbite basse est largement dans les cordes de cette fusée dessinée pour emmener de gros satellites de défense en orbite géostationnaire. Donc pas besoin de boosters auxiliaires pour ce vol, simplement le booster central et son moteur RD-180 de fabrication russe, et l’étage secondaire Centaur qui se charge d’orbiter Cygnus avec précision. Après un premier vol pour Orbital-ATK en décembre, il s’agissait du second et dernier remplacement effectué par United Launch Alliance, le temps de préparer la nouvelle fusée d’Orbital-ATK, Antares 230, qui volera avec un tout nouveau moteur. A 4h05 (Paris) le 23 mars, Atlas 5 s’est élancé de son pas de tir de Cape Canaveral, pour une séquence de 4 minutes et 15 secondes du premier étage, et un allumage de l’étage secondaire Centaur durant 13 minutes et 45 secondes.
Décollage de la fusée. Dans sa globalité, le vol est une belle réussite.
Crédit NASA TV
Ou du moins, c’est ce qui était prévu. En effet, lorsque l’on observe la vidéo du décollage, il est clair que Centaur ne s’éteint pas au moment spécifié par le plan de vol. Et puis toujours pas. Ce n’est qu’au bout de 14 minutes et 45 secondes que le second étage de la fusée s’est éteint. Mais alors, était-ce une erreur? Pas du tout, puisque le cargo Cygnus est bel et bien sur la bonne orbite, en train de suivre l’ISS de très loin, et de la rattraper. Du coup, on peut se poser la question: pourquoi le second étage de la fusée est resté allumé presque une minute de trop? Problème de performance? A l’évidence, l’ordinateur de bord a utilisé plus de carburant que prévu pour arriver au bon endroit. Et en observant le vol encore et encore, plusieurs journalistes ont remarqué que le premier étage s’était en réalité arrêté plusieurs secondes avant le timing prévu. L’affaire ne fait que commencer, parce que sur cette mission, United Launch Alliance avait la chance de disposer d’une très large marge opérationnelle: si il s’était agi de lancer un satellite de défense sur une orbite plus élevée, il n’est pas certain que Centaur aurait pu compenser! Il y a donc potentiellement un problème de premier étage sur la fusée, déjà au centre des polémiques à cause de sa propulsion d’origine russe.
Une enquête sera probablement diligentée rapidement, mais ne sera pas rendue publique.
La capsule Cygnus OA-6 a été baptisée « Rick Husband » en référence au commandant de la mission fatale de Columbia, perdue lors de son retour de l’orbite le 2 février 2003. Crédit United Launch Alliance/NASA
Une nouvelle imprimante 3D en orbite
Il y a plus d’un an, les astronautes présents sur l’ISS avaient pu installer la première imprimante 3D en orbite, qui avait imprimé une quinzaine de pièces (dont une en « procédure d’urgence », c’est à dire avec le design et les plans envoyés à la station en quelques heures à peine). Ramenées sur Terre, elles ont été testées et les procédures ont été améliorées et validées… Made In Space, l’entreprise qui a conçu et qui commercialise la machine, a passé un partenariat avec le géant de l’électroménager Löwe, et envoie donc sa seconde imprimante de matériaux additifs sur l’ISS. Cette fois, le but est véritablement de l’intégrer au système de la station comme une boite à outils virtuelle. Nommé Additive Manufacturing Facility, l’engin dispose un design plus permanent, et servira logiquement pour des tests plus poussés. Des pièces imprimées à la fois sur Terre et en orbite, mais aussi quelques pièces réalisées sur la demande/le besoin des astronautes. On peut imaginer des colliers de serrage par exemple, les capots de filtres ou de multiples autres pièces simples qui mettraient dans le cas contraire plusieurs mois à faire leur apparition dans la station.
Avant d’envoyer un produit en orbite, les équipes de test ont pu manipuler leur produit en apesanteur. Sans doute pas le pire moment pour les employés… Surtout lorsque la machine fait tout toute seule!
Crédit Made In Space
Cygnus emmenait 1,1 tonnes de consommables pour les astronautes (nourriture, eau, serviettes, vêtements, du papier pour imprimante!), presque une tonne de matériel d’entretien de la station spatiale (incluant des filtres à air, des circuits électroniques et tous les éléments nécessaires pour remplacer l’une des deux toilettes de la station), et 777kg de matériel scientifique. Cela inclut l’imprimante 3D, mais aussi de nombreuses expériences américaines et internationales. Une centrifugeuse japonaise, des tubes de tests canadiens sur la moelle osseuse… Egalement, l’expérience METEOR (rien à voir avec la bière) va observer la limite haute de l’atmosphère terrestre pour tenter d’observer une ou plusieurs météorites lors de leur rentrée. Le phénomène, de nombreuses fois étudié depuis la surface, pourrait nous en apprendre plus sur les dangers de ces rochers perdus dans notre voisinage orbital.
La facade avant du « rack » AMF qui sera installé au sein du laboratoire américain de l’ISS.
Crédit Made In Space/Löwe
Après la mission: cubesats et incendie
Cygnus restera deux mois docké (berthing, en fait) sur le port orienté vers la surface de la Terre du module Unity. Bonne nouvelle donc pour les geeks dont je fais partie: nous aurons au moins une fois le loisir d’observer Cygnus ET Dragon attachés à la station au même moment! Mais ce n’est pas au moment où Cygnus sera détaché de l’ISS que sa mission sera officiellement terminée. En effet la capsule embarque en passagers extérieurs 8 CubeSats qui seront expulsés dans les jours suivant le décrochage de l’ISS. Un moyen supplémentaire pour Orbital-ATK de valoriser son vaisseau tout en profitant des bonnes performances de la fusée Atlas-5! Enfin, une dernière expérience aura lieu avant la rentrée atmosphérique: au sein d’une large boite, un incendie sera déclenché dans des conditions de pressions équivalentes à celle du vaisseau: les scientifiques ont besoin d’observer la propagation du feu, de comprendre sa vitesse et de pouvoir estimer sa dangerosité. Pour cela, quelques toutes petites expérimentations ont eu lieu au sein de l’ISS, mais on évite pour des raisons absolument évidentes d’y prendre des risques avec de vraies flammes (même confinées au sein du boitier). Donc la science y gagnera au sein de Cygnus: même si l’expérience tourne mal (ce qui serait très surprenant), la capsule sera à quelques heures d’une rentrée atmosphérique contrôlée.
L’expérience SAFFIRE est prévue pour mettre le feu.
Crédit NASA
Enfin, si vous vous demandez pourquoi on est passés d’OA-4 (en décembre) à OA-6 en mars, c’est normal: le vaisseau décollant avec la fusée Antares remotorisée d’ici le mois de juillet avait déjà reçu son appellation officielle lorsqu’Orbital a fait appel à United Launch Alliance pour acheter le vol. OA-5 partira donc plus tard qu’OA-6.
Crédit United Launch Alliance
Restez avec nous pour les dernières informations sur la formidable aventure de l’exploration spatiale, avec des articles documentés et un point de vue ludique et francophone! Rejoignez-nous sur Facebook pour des infos exclusives! N’hésitez pas à réagir avec les commentaires