[Asie] Passé, présent, futur
Quelques nouvelles de l’exploration spatiale en Asie:
Passé: Hitomi officiellement perdu
On s’y attendait depuis les premières annonces, mais c’est maintenant acté: l’observatoire orbital Astro-H, aussi appelé Hitomi, est officiellement un programme terminé. Après une perte de contact le 27 mars, les données n’étaient pas bonnes. Déjà, un changement léger de l’orbite du satellite était détecté, avant que les radars américains ne captent des débris à proximité. La collision avec un astéroïde ou un déchet orbital étant exclue (les données ont été précautionneusement étudiées), restait à essayer d’expliquer la perte de contact, et surtout à tenter de sauver la mission. Après un mois d’essais en tous genres, l’agence japonaise, la JAXA, a finalement baissé les bras: d’après ses observations les pièces s’étant désintégrées sont les panneaux solaires. De plus, le vaisseau est en rotation sur lui-même toutes les 5 ou 8 secondes, ce qui empêcherait de toutes façons les batteries de se charger à un rythme suffisant pour garder Hitomi en état de fonctionnement.
Vue d’artiste de Hitomi, ou Astro-H, au milieu de ses sujets d’étude. Malheureusement il n’en sera rien… Crédit JAXA
La cause réelle et exacte de la perte du satellite restera bien entendu une histoire de conjectures… Mais avec les données à leur disposition, les équipes au sol japonaises ont reconstitué un scénario qui colle assez bien avec l’enchaînement des problèmes… Car oui, ce genre d’incidents, sur les vaisseaux modernes, résulte assez rarement d’une « bête » erreur de conception. Dans le cas présent, un des capteurs d’attitude (gyromètre) du vaisseau a mesuré que Hitomi tournait sur lui-même très lentement, de 21 degrés par heure. Normalement, le vaisseau utilise ce qu’on appelle un « star tracker » c’est à dire un petit télescope qui détecte les planètes ou formations visibles dans le ciel, et les utilise pour s’aligner. Mais là, ça n’a pas marché, et le vaisseau a finalement accéléré sa rotation dans le mauvais sens. Jusqu’à passer un point de retour: à partir de là le télescope devait se mettre en sécurité et chercher le Soleil. Apparemment ça n’a pas fonctionné non plus, puisque les propulseurs se sont allumés et qu’il a tourné encore plus vite. Passé une certaine vitesse, la force d’inertie lorsque les pièces tournent rapidement entraînent des efforts de structure sur les pièces les plus éloignées du centre de rotation. Ici évidemment, les panneaux solaires.
Constitution du vaisseau une fois déployé. Une grande déception pour plusieurs années de travaux…
Crédits JAXA/Spaceflight101.com
C’est une grosse perte pour les japonais: en plus de représenter des années de travaux et d’efforts, Hitomi était le premier gros satellite dédié à l’observation de certains spectres de rayons X: il aurait permis de lever le voile sur plusieurs phénomènes physiques lors d’événements extrêmes (Supernovas, trous noirs, etc). Avec plusieurs coopérations internationales, le satellite avait coûté 400 millions de dollars, hors lancement. Et contrairement à ce qu’on peut lire sur certains articles à buzz, non ses capteurs n’avaient pas capturé des données extraordinaires… Pour la simple et bonne raison qu’en seulement 5 semaines en orbite, Hitomi était encore dans une phase préliminaire de vérifications: la plupart des instruments n’avaient été à ce stade qu’allumés pour vérifier leur alimentation électrique. Aucun des capteurs n’était encore calibré. Quel dommage!
Présent: L’Inde complète sa constellation de positionnement
La semaine dernière, l’Inde a lancé sa 35è fusée PSLV, signant par la même occasion son 31è succès d’affilée! La fusée a mis en orbite le satellite IRNSS-1G, le septième et dernier élément de la constellation de positionnement indienne, véritable « GPS » régional. Pour gagner son indépendance sur les applications civiles et surtout militaires, le gouvernement indien a mis les bouchées doubles depuis la décision d’organiser la constellation en 2006. Les lancements se sont enchaînés et c’est un vrai succès industriel pour ce programme. Avec une précision certifiée de 20m, le système indien, rebaptisé NAVIC, a l’avantage d’être régional et de fonctionner jusqu’à 1500km des frontières du pays. Une main tendue de la part de l’Inde, qui propose à ses voisins de collaborer pour le développement de l’infrastructure au sol, ainsi que pour les équipements électroniques. C’est aussi une façon d’enterrer la hache de guerre: les premières décisions qui ont mené à la constellation de positionnement indiens, l’ont été à la suite du conflit opposant chinois et indiens pour les frontières de l’Est du pays. Les USA avaient alors décidé de couper les signaux GPS sur cette région du monde: un épisode très mal vécu en Inde.
Départ de la PSLV « C33 » depuis la péninsule de Shriharikotta, à l’Est de l’Inde. Le site dispose depuis cet hiver de pas de tir modernisés. Crédits ISRO
Dans tous les cas, avec 7 satellites opérationnels, c’est la constellation la plus rapidement en place, et l’une des moins chères à déployer… Que dire lorsqu’on observe le programme européen Galileo qui a pris une décennie à s’organiser et qui fait encore aujourd’hui l’objet de critiques légitimes envers la gestion du déploiement des puces électroniques au sol… NAVIC est une formidable vitrine pour l’aérospatiale indienne.
Une PSLV à T-0. La petite fusée à tout faire indienne a bien des avantages sur certains concurrents commerciaux dans le monde… A commencer par son prix très serré. Crédit ISRO
Futur: La Chine assemble sa CZ-5
C’est dans les mois qui viennent (probablement à l’automne) que la nouvelle fusée de haute puissance chinoise sera lancée. La CZ-5 (ou Longue Marche 5 en français) sera une réelle progression pour les autorités locales. Déjà parce que la CZ-3B, qui est actuellement leur lanceur le plus performant, est très polluant: ses carburants sont hautement toxiques et la fusée est toujours lancée dans une région assez densément habitée (le seul accident impliquant une CZ-3 au sol aurait fait, selon différentes sources largement muselées par les autorités, plus d’une centaine de morts). Bref la CZ-5 serait capable d’emmener des modules ou satellites de 25 tonnes en orbite basse et de plus de 10 tonnes en orbite haute (transfert géostationnaire). En plus de disposer provisoirement de la fusée la plus puissante au monde avant que la Falcon Heavy ne rentre en service, les chinois disposeront enfin de quoi mettre en orbite les nouveaux modules de sa station spatiale! La CZ-5 sera largement utilisée pour les missions habitées et scientifiques du pays (atterrisseur lunaire, modules de station orbitale Tiangong, vaisseau pour Mars en 2020…).
La CZ-5 lors des essais de pas de tir. Si le lancement de l’automne est un succès, le pays va s’ouvrir de nouveaux débouchés pour ses missions imposantes… Crédit China Daily
La fusée est rentrée dans son assemblage final. Jusqu’ici, il s’état agi de versions de tests, de boosters factices ou bien tout simplement du prototype à l’identique mais « passif », qui a servi pour régler les installations du pas de tir, les manoeuvres au sol pour relever la fusée, les séquences de remplissage des réservoirs… La CZ-5, qui ressemble pas mal à ce que devrait devenir Ariane 6, sera équipée de quatre boosters auxiliaires à propulsion liquide, et d’un moteur central pour le premier étage. Les étages supérieurs seront, eux, cryogéniques (belles performances attendues). On souhaite bonne chance aux chinois, qui vont également cette année étrenner leur nouveau lanceur pour les missions habitées: la CZ-7.
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