[ISS] Antares et Soyouz MS
Quelle semaine les amis! Difficile de choisir correctement ses sujets et l’ordre dans lesquels on les publie. Mais je préfère toujours ça aux périodes de calme (ces moments ou tout le monde se jette bras ballants sur les mêmes sujets qui n’ont rien demandé à personne). Du coup, concernant l’ISS cette semaine était particulièrement dense. Et même celles d’avant puisqu’il y a eu des incertitudes majeures…
Le 42è succès d’affilée pour la fusée Soyouz FG, dont la variante détient un super record de fiabilité.
Crédits Roscosmos/NASA
Soyouz MS-02: contrôle qualité
L’étape la plus cruciale pour ce vol Soyouz s’est déroulée quelques semaines avant son décollage. Alors que l’équipage de trois astronautes avait rejoint Baïkonour en préparation du lancement, le contrôle qualité du 15 septembre a révélé des défauts sur la capsule, menant à un court circuit, alors même que le vaisseau était déjà encapsulé dans la coiffe de la fusée Soyouz FG. Pas de chance, il a fallu effectuer d’autres tests, et s’assurer que Soyouz MS-02 était en bon état pour son vol. Les tests auraient été positifs, mais la prudence assurait de tout vérifier: la génération Soyouz MS est encore très jeune et la Russie ne peut pas se permettre une quelconque pression sur son vaisseau habité. La panne, plus tard identifiée comme un câble situé derrière l’un des sièges de l’équipage, a été réparée définitivement début octobre. Le temps de tout réparer et le décollage était cette fois prévu le 19 octobre. Avec des décalages liés au programme de l’ISS, l’équipage, constitué de Sergeï Ryzhikov (Roscosmos), Andrey Borisenko (Roscosmos) et Robert Kimbrough (NASA) a perdu plus d’un mois de mission sur six!
Soyouz MS-02 au moment de sa ré-encapsulation.
Crédits Krhunichev
Si Kimbrough avait déjà réalisé un vol sur shuttle, c’est son premier vol de longue durée, tout comme pour Sergeï Ryzhikov, qui devient officiellement le 557è être humain à atteindre la frontière de l’espace. Seul Borisenko, qui pilotait la capsule Soyouz pour ce décollage, en est à son second séjour de six mois sur l’ISS (il l’a déjà commandée en 2011). Le lancement de la capsule Soyouz MS-02 s’est très bien passé, et l’équipage a atteint l’orbite en moins de dix minutes, conformément au plan de vol. Les trois astronautes étaient à l’évidence très détendus pour leur décollage, Robert Kimbrough multipliant les saluts à la caméra embarquée du module.
Confiant, Kimbrough avait la place au hublot (et du coup assez peu à faire durant l’ascension).
crédits NASA TV
Les trois astronautes ont rejoint l’équipage actuel de l’ISS afin de porter temporairement le nombre d’astronautes à 6 avec Kate Rubins (NASA), Takuya Onishi (JAXA) et Anatoly Ivanishin (Roscosmos). Ces derniers devraient très prochainement rentrer sur Terre, leur départ devait s’effectuer en septembre mais ils sont restés pour que la station internationale puisse bénéficier d’un équipage en continu (ils ne manquaient pas de choses à faire, rassurez-vous, puisqu’ils avaient eu un mois de retard aussi). L’atterrissage est prévu le 30 octobre. L’équipage retournera à six astronautes le 19 novembre, deux jours après le lancement de la capsule Soyouz MS-03 avec Thomas Pesquet (ESA), Peggy Whitson (NASA) et Oleg Novistskyi (Roscosmos).
Docking de Soyouz MS-02 à l’ISS ce vendredi 21 octobre. Toute la manoeuvre d’approche et de liaison automatisée a été un franc succès cette fois. Crédits Ivanishin
Antares reprend enfin du service
Quasiment deux ans après le crash de la fusée Antares (mission OA-3), Orbital-ATK a réussi son pari en lançant une version totalement remaniée ce mardi 18 octobre (près de minuit). La saga du remplacement d’Antares peut donc officiellement prendre fin! Il faut dire que depuis le 28 octobre 2014, la firme était dans une impasse par manque d’un lanceur capable d’envoyer son vaisseau cargo Cygnus en orbite. Dans la période qui avait suivi l’accident, les responsables annonçaient rapidement un puis deux lancements sous-traités à United Launch Alliance, qui a envoyé les missions OA-4 et OA-6 en orbite en décembre 2015 et mars 2016. C’était le temps nécessaire pour évaluer, puis passer commande de moteurs russes remplaçant les moteurs NK-33, à l’origine de l’explosion destructrice au-dessus du pas de tir de Wallops en Virginie, et de les installer sur Antares.
Véritable revanche sur ses détracteurs (dont moi, j’avoue), Antares a prouvé qu’elle pouvait revenir effectuer les missions Cygnus. Mais aussi jouer les trouble fête dans le paysage américain…
Crédits Orbital-ATK
Rapidement, le choix se porte sur des RD-181, version export des moteurs de la fusée Angara (qui n’a volé qu’une seule fois mais passons). La Russie délivre les deux premiers moteurs à la fin du mois d’août 2015, mais l’intégration sur le lanceur sera plus longue que prévue. Orbital-ATK prévoit d’abord un allumage des moteurs en condition de lancement en janvier 2016, plus tard reporté au mois de mars. La réparation du pas de tir a elle aussi pris du retard. Finalement, Antares dans sa version 230 retrouve le chemin du lancement fin mai 2016. Mais les résultats montrent quelques vibrations parasites lors de l’allumage du moteur, que la firme prend le temps d’analyser durant le mois de juin puis de juillet. Le vol est alors prévu pour fin août, mais le calendrier de l’ISS ne permet pas d’optimiser les opérations de cargo (équipages sur la fin de mission). Puis le HTV japonais est annoncé en retard: le lancement est finalement repoussé au mois d’octobre. Antares-230 a décollé dans la nuit de lundi à mardi.
Décollage de la fusée. Ses deux moteurs RD-191 s’appellent RD-193 en Russie.
Crédits Orbitak-ATK
La fusée, puissante mais compacte (42m de haut) a décollé très rapidement, en utilisant l’ensemble de son premier étage en seulement 200 secondes! Cela lui a permis de filer au-delà de la ligne des 100km d’altitude, à près de 3,7km/s. De quoi paver la voie au second étage, dont la remotorisation date de 2014, mais qui n’avait jamais été utilisé jusque là. Le castor 30XL a très bien rempli sa mission, puisque ses 40 tonnes de carburant ont permis d’injecter le vaisseau cargo Cygnus en orbite à 202*288km autour de notre planète. De quoi permettre les différentes manoeuvres de rapprochement avec l’ISS, qui ont pour la plupart eu lieu au moment où j’écris cet article: à présent le vaisseau est à moins de 800km d’arrière l’ISS et se rapproche à vitesse constante. D’ici dimanche matin, Cygnus fera une petite pause à 200m de l’ISS, avant de s’orienter et de se mettre en attente à 9m de la station. De là, Kate Rubins, grâce au bras articulé Canadarm 2, viendra effectuer la manoeuvre de « berthing » de Cygnus sur le Node 1 de la station.
Finalement c’est très simple, un beau vaisseau Cygnus! Dans cette vue d’artiste, la capsule en configuration de vol. Crédits NASA TV
Cygnus, qui était ici en version étendue, transporte 2,3 tonnes de matériel à destination de l’ISS. C’est le seul vaisseau cargo de ravitaillement avant le 1er décembre et le vol Progress russe: HTV est en retard à cause de problèmes techniques et SpaceX tente de résoudre le problème de sa fusée Falcon 9 avant d’envoyer sa prochaine capsule Cargo, CRS-10. Dans les 2,3 tonnes de matériel, on compte 498kg d’expériences scientifiques (y compris un module Sapphyre qui brûle en orbite juste avant la fin de vie du vaisseau), 585kg de fournitures pour les astronautes, dont de la nourriture (mais aussi des habits, des fétiches personnels, un ou deux ordinateurs). 1 tonne d’équipements de maintenance et de pièces de rechange, 46kg de matériel informatique dédié à l’ISS et 5kg de combinaison spatiale (probablement les gants de Thomas Pesquet, ils sont fabriqués sur mesure).
Comme son prédécesseur, OA-5 embarque quelques CubeSats à larguer après sa mission sur l’ISS
J’espère que personne n’a laissé trainer ses marchmallows sur le pas de tir…
Crédits NASA TV
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