Avec l’élection de Donald Trump en tant que nouveau président des USA, la NASA rentre dans une nouvelle période d’incertitudes. D’ici le 20 janvier, l’administration actuelle continue son mandat et tente d’inscrire les programmes de long terme dans des positions qui les mèneront à terme. Ensuite, Charles Bolden l’a déjà dit, il partira à la retraite. Ancien astronaute, il a su imposer une vision, celle du « Journey to Mars » et la vendre à l’équipe Obama comme au congrès… Mais qu’en restera-t-il? On croise les doigts et on espère que l’Amérique ne recommencera pas le scénario du programme Constellation, annulé en 2010. 6 ans plus tard, la SLS est sur les rails et l’ensemble de la NASA et de ses personnels travaillent à son vol inaugural. Espérons que ce ne soit pas le dernier…
L’Orion Crew Adapter (pièce de vol) est celle qui reliera la capsule Orion et le module européen de service ESM. L’une des pièces du puzzle… Crédits NASA
Dans deux ans tout pile!
Le calendrier de vol de la SLS n’a presque pas bougé ces deux dernières années, avec un décollage prévu en novembre 2018. C’est presque un exploit, quand on considère la masse des travaux encore en cours. – La capsule Orion (et ses articles de test) est allée faire un plongeon en piscine début octobre, suivi par un exercice de récupération en mer pour entraîner les équipes du Pacifique. D’autre part les parachutes ont été testés à nouveau, ainsi que les bouées censées se gonfler automatiquement à l’amerrissage. Bref, tout progresse tandis qu’un article de test d’Orion sera accouplé dans les prochains jours à l’article de test de l’adaptateur avec le module de service et le faux module de Service construit par Airbus Defense and Space. La « vraie » capsule Orion, celle qui ira en orbite cis-lunaire fin 2018, est en cours d’assemblage. Son bouclier thermique est en finition, son adaptateur est en finitions, la structure interne est en train d’être équipée avec les systèmes de vol.
Tests en mer pour une version de test d’Orion. Elle permet quand même de se rendre compte de la dimension impressionnante de la capsule. Crédits NASA
– La SLS dispose déjà de ses deux boosters, mais en pièces détachées. Chacun est composé de 5 segments qui vont être envoyés les uns après les autres jusqu’en Floride, ou ils seront assemblés au début 2018 je crois. Ce qui est rigolo, c’est que chez Orbital-ATK, qui s’occupe des boosters, ils vont produire les segments des deux boosters du vol suivant SLS EM-2 avant même le vol d’EM-1. – Le premier étage de la SLS est en cours de production. Tous les éléments d’un premier étage de test sont maintenant produits et sont en cours d’assemblage à Michoud, dans le Mississipi. La plupart des éléments du premier étage, malgré quelques rectifications qui ont du être menées, sont également parées à l’assemblage. Sauf les moteurs, bien sûr. Ces derniers seront assemblés au courant du mois d’avril-mai avant de partir pour le centre d’essais Stennis. – Le second étage de la SLS, équipé de l’ICPS est en bonne voie de construction chez Boeing. L’ICPS structurel a été installé sur la plate-forme de tests disponible en Alabama.
Tests d’un moteur RL-10. Quatre de ces moteurs seront utilisés pour propulser le second étage de la fusée en orbite et en trajectoire d’échappement. Crédits Aerojet Rocketdyne
Les infrastructures de test rentrent en jeu
Les mois à venir vont être cruciaux pour la SLS. Pas seulement politiquement, mais parce que les premiers tests de matériels assemblés sont au menu. Le site de Huntsville en Alabama verra cet hiver les tests du second étage avec sa pièce de liaison vers le 1er étage, en vibration, en torsions et aux masses appliquées. La tour de test, terminée à la fin de l’été, fait une trentaine de mètres de haut. A moins de 100m de là, une seconde structure en cours d’achèvement recevra le faux premier étage d’ici la fin de l’hiver, pour des tests structurels là encore. De quoi s’assurer que la fusée, qui doit réussir sa mission du premier coup (avec des milliards investis, l’échec n’est pas une option), soit testée le plus extensivement possible. Quitte à disposer de marges opérationnelles impressionnantes. Le calendrier s’est resserré, mais les structures de tests sont prêtes à temps.
A gauche, l’ICPS (de test) va être assemblé sur l’adaptateur entre 1er et second étage (de test). A droite, c’est la structure de support pour le 1er étage tout entier (de test). Crédits NASA
A Stennis, après les derniers essais de moteurs qui auront lieu à partir de janvier (et jusqu’à la fin du printemps), le plus impressionnant événement de la SLS en 2017 aura lieu en septembre-octobre: le vrai 1er étage de la fusée sera positionné comme pour un décollage sur un bloc d’essai modifié spécialement pour l’occasion. Comme pour un décollage, les 4 moteurs RS-25 seront allumés simultanément durant 8 minutes, pour simuler toute la durée d’un vol vers l’orbite. Le comportement devra être absolument parfait… Et pour cette simulation, le stand de test a du subir de grosses modifications: un nouveau système de pompage d’eau (sinon tout fond autour et dessous), 600 tonnes d’acier pour 16m de structure supplémentaires, sans compter les câbles et l’électronique. La logistique sera également longuement préparée. Il faut dire que cette fois, ce ne sera pas un article de test: il s’agira du premier étage de la fusée qui ira l’année suivante emmener Orion vers la Lune. Alors évidemment il faut que cet étage ressorte du test en parfait état.
Le premier étage de la SLS sera transporté dans sa barge dédiée, dont les modifications ont été terminées fin 2015. Elle se nomme Pegasus (appréciez les dimensions).
crédits NASA
Enfin, le Kennedy Space Center continue de se préparer pour l’assemblage final de la fusée. Les articles de test des boosters ont fait plusieurs aller-retour dans le VAB afin que les opérateurs puissent s’entraîner à la manipulation de très larges pièces, tandis que le hangar continue sa mue avec l’installation des plate-formes nécessaires à l’assemblage de la SLS. Les infrastructures au sol ne sont pas pressées, elles devraient être prêtes largement à temps pour l’assemblage réel qui démarrera avec les boosters début 2018. Puis le premier étage, le second étage et l’arrivée d’Orion avec le module de service au début de l’été. A la fin de l’été (voire en septembre-octobre selon les dates), la fusée assemblée fera un premier tour pour tester tous les systèmes sur le pas de tir SLC-39B
Le VAB et ses 4 grands hall d’assemblage. La version Block 1B de la SLS serait en fait tout juste possible pour le VAB, et l’Interplanetary Transport System d’Elon Musk n’y rentrerait pas.
Crédits NASA/KSC
Orion sera prête. Et l’ESM?
Lors des dernières réunions (octobre 2016), les commentaires n’étaient pas très tendres vis à vis du module Européen ESM. Le module de service de la capsule Orion fait partie des deux éléments qui risquent de retarder tout le programme de vol. Eh oui, l’assemblage a commencé. Dans ce grand puzzle, les pièces doivent arriver et s’imbriquer à la cadence prévue, sans quoi c’est tout le projet qui piétine (que celui qui n’a jamais fait un diagramme de Gantt me jette le premier chemin critique). Et pour le moment, la plupart des sujets sont dans les marges temporelles définies… Sauf le module de service d’Orion, livré par les européens et construit par Airbus Defense and Space. Le fait est: la commande a été passée très tard, et le cahier des charges aurait varié au cours même de l’assemblage de la pièce de test. Toujours est-il, le module de service est très important. Pour son moteur déjà, sans lequel l’insertion en orbite cis-lunaire ne sera pas possible, ni le retour sur Terre. Pour sa production d’électricité et ses antennes ensuite, toutes choses qui seront nécessaires à la capsule Orion… Même si cette dernière ne sera pas équipée en 2018 de support-vie. Que l’ESM prévue pour EM-2, le vol habité d’Orion, devra alimenter en oxygène et en eau. On parle pour l’instant de 3 mois de retard sur le calendrier initial: nul doute que chez Airbus, on fait tout ce qui est possible pour réduire le délai…
Toutes les pièces de la SLS sont gigantesques. Ici l’ESM européen (de test) avec l’Orion Crew Adapter (de test). Crédits NASA
Le second point critique concerne les logiciels. Et plus particulièrement ceux qui gèrent les systèmes de la capsule Orion au cours de son vol. C’est critique bien sûr, afin de ne pas se retrouver en « safe mode » au plus mauvais moment, ou bien de désactiver un système critique quand il ne faut pas. Même si la NASA affirme que le logiciel sera prêt à temps, le dernier audit semble dire que ça piétinne, et que les prochaines mises à jour devront prendre en compte un paquet de notifications. Les programmeurs (de chez Lockheed Martin et de la NASA) ont jusqu’à mars 2018 pour préparer le logiciel, qui sera ce mois-là uploadé dans l’ordinateur de bord de la capsule, et restera identique jusqu’à son décollage… Sauf dans le cas d’un très, très gros problème, pour lesquels une mise à jour en safe mode est toujours possible.
Le réservoir d’hydrogène du premier étage, sur le site d’assemblage de Michoud. Les soudures ont été terminées au début de l’automne. Crédits NASA
Vers la Lune, plutôt?
On ne parle bien entendu que de spéculation. Toutefois, de nombreux républicains, souhaitant plébisciter la SLS tout en se démarquant de la politique d’Obama (ah mais c’est qu’elle a créé pas mal d’emploi dans des états du Sud, la fusée), souhaiteraient une réorientation de l’usage de la fusée vers des missions purement lunaires. Je ne voudrais pas trop rentrer sur ce point, parce que rien n’est joué pour le moment… Et que de toutes façons ça ne change pas grand chose jusqu’aux années 2030: même dans le cadre du « journey to Mars », il a toujours été prévu un paquet de missions en orbite lunaire pour déterminer les capacités de la capsule habitée, les voyages aux long cours et les possibilités offertes à la fois par la SLS et par de futurs modules de voyage, voire préparant un atterrissage martien. En réalité c’est peut-être même une bonne chose: que la fusée soit développée et que la NASA dispose de deux ou trois missions de visibilité à l’avance… En réalité en 2020, ce sera peut-être une autre administration qui reprendra la main, et en 2024, et en 2028… C’est beau, la politique…
Concept de station orbitale lunaire pour les années 2020-2024, utilisant la capsule Orion (et donc la SLS). Crédits Orbital-ATK
Restez avec nous pour les dernières informations sur la formidable aventure de l’exploration spatiale, avec des articles documentés et un point de vue ludique et francophone! Rejoignez-nous sur Facebook pour des infos exclusives! N’hésitez pas à réagir avec les commentaires
Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web. Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.Ok