[NASA] Une commande de 8 missions habitées
En ce mois de janvier, on fête les deux ans du lancement officiel du programme Commercial Crew de la NASA. Et il faut bien le souligner, même si les deux constructeurs sélectionnés ont largement progressé depuis, les retards prévisibles, se sont invités au sein de ce méga-contrat de 6.8 milliards de dollars. Alors oui, l’enveloppe confiée à la NASA en 2014 et 2015 était sous-évaluée, mais en 2016 le programme a reçu un large support et tout semble confirmer un budget identique pour 2017. L’année dernière, le programme Commercial Crew a surtout été marqué par des retards… C’est pour cette raison que l’annonce de la NASA du 3 janvier arrive à point nommé: elle commande officiellement 4 vols à Boeing et 4 à SpaceX, exécutables dès que leurs capsules auront été testées et certifiées (la certification inclut 2 vols).
Vues d’artiste des deux vaisseaux Crew Dragon et Starliner lors de leur arrivée pour un docking sur l’ISS. Crédits NASA
Défis et lignes de production
Il faut tout de même se rappeler la genèse du contrat Commercial Crew, dont l’idée s’est imposée après la décision difficile de cesser les vols des navettes STS américaines. Décision qui fut ensuite confirmée plus tôt que prévu: en juillet 2011 eut lieu le dernier vol d’Atlantis, laissant les USA sans moyens d’envoyer ses citoyens en orbite depuis les Etats-Unis. Une situation qui va perdurer en 2017 alors que les travaux rentrent dans leur seconde phase, celle des équipements et de la préparation des systèmes de vol aux premières missions. Lors de la présentation de janvier 2015, le calendrier était le suivant:
SpaceX: vol non habité de qualification en décembre 2016, vol habité en avril 2017
Boeing: vol non habité de qualification en avril 2017, vol habité en juin-juillet 2017
Exposition lors de la visite de Barack Obama en octobre 2016, d’un modèle structurel de la Crew Dragon de SpaceX. C’est un gros vaisseau, finalement!
Crédits NASA
Il y a eu depuis d’inévitables obstacles. Pour SpaceX, des retards essentiellement dus aux efforts que la firme a dû mettre en oeuvre en 2015 pour trouver les causes de la désintégration du lanceur lors d’une mission NASA (tout le monde sur le pont!) puis en 2016 lors de l’accident en septembre qui a détruit le pas de tir SLC-40 à Cape Canaveral. De petites choses à redessiner, des micro-fissures sur un moteur et une écoutille, un accès des astronautes un peu modifié et des moteurs sur les flancs de la capsule qui inquiètent la NASA… SpaceX n’a toujours pas présenté ses combinaisons de vol, ni aménagé le pas de tir SLC-39A avec une passerelle d’accès pour les astronautes, et le chargement du carburant dans la Falcon 9 après l’entrée des astronautes dans la capsule Crew Dragon a fait l’objet d’un mémo tout entier. La capsule elle-même a pris beaucoup de temps a être conçue et validée par la NASA et SpaceX pour sa structure.
L’arrière de la capsule CST-100 ne dispose pas d’un « coffre » comme la Crew Dragon. Il a donc été possible pour Boeing de mettre les panneaux solaires sur la large surface « sous » la capsule.
Crédits NASA/Boeing
Pour Boeing, qui a présenté un dossier technique plus solide (grande expérience dans le domaine), les premières étapes ont semblé solides et le calendrier de même. Pourtant, c’est dans l’intégration de la capsule CST-100 Starliner avec la fusée Atlas-5 qu’il y a eu un problème. Suite à des essais en soufflerie, il a fallu modifier le design extérieur de la capsule, rajouter une « jupe » pour le décollage. Les défis à la production aussi sont venus interférer, car Boeing utilise la technique de soudure de précision dite de Soudage par friction malaxage, qui est assez nouvelle et requiert des outillages spécifiques pour la famille CST-100. Oui, la famille: grâce à la validation du dossier technique par la NASA, Boeing s’est immédiatement lancé dans la fabrication en série (comme SpaceX sans doute, même si on n’en entend pas parler). Les travaux d’assemblage des structures ont pris du retard et il y a encore tant à équiper!
La tour d’accès des astronautes sur le pas de tir SLC-41 (ULA), avec le bras d’accès installé en 2016.
Crédits NASA/Kim Shiflett
Le planning officiel actuel est le suivant
SpaceX: vol non habité de qualification en novembre 2017, vol habité en mai 2018
Boeing: vol non habité de qualification en juin 2018, vol habité en décembre 2018
A savoir que pour SpaceX, le calendrier des vols cette année sera très contraint par la réussite de la famille Falcon 9, mais aussi par les pas de tir. En effet, difficile de réaliser deux mois de travaux pour installer l’équipement nécessaire aux astronautes si le seul pas de tir disponible à Cape Canaveral est celui qui doit être modifié ET celui qui doit lancer une fusée par mois, voire toutes les 3 semaines… Et les deux firmes doivent en 2017 équiper leurs capsules avec les système vie et les équipements de vol, ce qui pourrait bien réserver d’autres surprises…
Le pas de tir SLC-39 (SpaceX) au début de l’année dernière. C’est la seule installation dont SpaceX dispose sur la côte Est jusqu’à au moins juillet 2017… Crédits SpaceX
En 2018, fini de jouer
De l’extérieur, on a des fois tendance à baisser les bras et voir le programme comme un défi à quelle entreprise lancera « le moins tard ». Pourtant, il y a un défi très important qui arrive à complétion dès l’année prochaine: celui des capsules habitées russes. Oui, ça ne vous aura pas échappé, il y a un américain actuellement dans chacune des capsules russes qui vont vers l’ISS, de quoi maintenir une présence de deux personnels US dans chaque équipage complet. Souci majeur pour la NASA, à compter de début 2018, cette représentation n’est plus assurée sans les capsules de Boeing et SpaceX, puisque la NASA n’a pas acheté les sièges nécessaires… Le souci, c’est que les russes ont considérablement augmenté leurs prix, 81 millions de dollars le siège lors du dernier contrat début 2016, et il n’y a aucune raison que ça change. La NASA osera-t-elle se passer de Roscosmos avant qu’elle doive signer un autre chèque de 500 millions de dollars à la Russie pour 2018?
Rien n’est moins sûr, mais la pression est à l’agence américaine autant que chez les constructeurs, avec toujours cette méchante vérité en tête: un échec d’un vol habité avec des victimes est totalement interdit: cela tuerait la plupart des travaux de Boeing, SpaceX et la SLS pour une petite décennie.
La référence vole encore, et heureusement: sans elle, c’est Shenzhou ou rien, jusqu’à 2018 au moins!
Crédits ESA/Thomas Pesquet
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