[smallsat] Initiatives en ballon
Même si le pionnier de la littérature de science-fiction spatiale, français, était un grand amateur de ballons (Team Jules Verne pour toujours), j’avoue que ce n’est pas spécialement mon cas. Bien sûr, il y a de bons exemples, comme le tour du monde réalisé par André Borschberg et Bertrand Piccard avant que ce dernier ne se lance dans son aventure solaire. Mais depuis, dans le spatial, c’est surtout associé à des boites comme WorldView, qui veulent commercialiser des vols « suborbitaux » sous des ballons à hélium envoyés à environ 30-35km d’altitude, pour quelques touristes. Ce qui me dérange, ce n’est pas le tourisme, c’est le mot « suborbital ». Ces vols, même s’ils permettent d’aller jusqu’à appréhender la courbure de la Terre à l’horizon, restent à environ 70km de la frontière de l’espace. C’est un peu comme de prendre l’avion pour un vol « suborbital » vers Paris. Physiquement, c’est vrai, mais ça laisse un drôle de goût en bouche.
Arrive Zero 2 Infinity, qui passait jusqu’à ce matin pour une bande de sérieux rigolos.
Même si on a l’impression qu’il s’agit d’une maquette, le communiqué parlait bien du « premier essai du système Bloostar ».
Un premier vol d’essai pour Bloostar
Le concept Bloostar peut sembler un peu tiré par les cheveux… A mon avis, il l’est! Mais bon, le but ici est d’emmener via un ballon gonflé à l’hélium, un ensemble de lancement à plus de 25km d’altitude, avant d’allumer ses moteurs et de profiter de la très faible densité de l’atmosphère à une telle altitude pour accélérer rapidement. Autre avantage de ce type de lancement porté, il peut être réalisé depuis un bateau, une plate-forme, ou la terre ferme, ce qui autorise à priori la majorité des inclinaisons orbitales. Il s’agit d’un lanceur à plusieurs étages qui sont disposés en ceinture (je ne crois pas avoir vu ça ailleurs, sauf peut-être sur les étages supérieurs russes Briz-M). A chaque fois qu’un réservoir est vide, la ceinture se détache, embarquant avec elle six moteurs, puis quatre autres, puis un dernier. Avec des images 3D et quelques belles vidéos, Zero 2 Infinity, basée à Barcelone, était classée dans les « sensationnalistes », à savoir quelques beaux powerpoint, quelques lettres d’intentions pour lancer des satellites (Bloostar disposera d’une cinquantaine de kg de capacité en LEO), et puis le même menu 5 ou 10 ans plus tard, sans progrès. Voire un dépôt de bilan: c’est malheureusement très commun.
Le concept Bloostar qui s’ouvre comme un oeil pour libérer son satellite.
Crédits Zero 2 Infinity
Bon, pour la situation financière, je ne peux pas vous dire (la firme annonce tout de même 250M$ de lettres d’intentions, à défaut de contrat signé), mais pour la réalité du projet, il semble tout de même qu’il y ait du concret. La firme a posté ce matin une vidéo de Bloostar, effectuant un test à haute altitude. Outre le départ sous ballon porteur, cet essai testait la séparation, l’allumage moteur, le contrôle depuis le sol et le retour sous parachutes. Autant de technologies qui seront nécessaires pour aller plus loin dans le projet. L’allumage moteur n’aura duré que quelques secondes, le temps de monter à 60m/s seulement 216km/h, mais il est très concluant d’après Zero 2 Infinity, dont le patron annonce déjà d’autres tests à venir, notamment pour tester les moteurs, les différents étages mais aussi le comportement de la fusée à haute vitesse.
On peut remarquer le nombre réduit de moteurs sur le modèle de vol, mais aussi le fait que les 7 du cercle « extérieur » ont l’air un peu plus factices que celui au centre.
Crédits Zero 2 Infinity
On peut aussi remarquer qu’il reste des challenges à surmonter. Notamment la stabilité du ballon avant le largage de la capsule. Sur la vidéo, on voit le ballon tourner sur lui-même, ce qui n’est pas extraordinaire. D’autre part, il y a le contrôle de la trajectoire et de l’altitude qui seront difficiles: un ballon à l’hélium emprunte par définition un chemin dans les courants des différentes basses couches de l’atmosphère… Cela sera-t-il suffisant sur le long terme? Enfin, outre la performance technique, ce genre d’essai peut coûter cher. Il faudra que l’entreprise signe rapidement un ou deux contrats majeurs avec des prospects (il doit y avoir quelques constructeurs européens de CubeSats qui vont pour l’instant grapiller des places sur PSLV, non?) pour pouvoir justifier et pérenniser son activité. Finalement, il est trop tôt pour se prononcer… Mais il faut bien reconnaître que c’est bien plus que juste un « coup » publicitaire!
La capsule montrée au salon international de défense IDEX au moyen orient.
Crédits Zero2 Infinity
Bravo les espagnols!