[ISS] L’équipage à cinq
Jeudi dernier le 20 avril, la capsule Soyouz MS-04 a décollé de Baïkonour, avec à son bord seulement un cosmonaute (Feodor Yourchikhine ou Fiodor Yurchikin selon que vous le disiez en français ou en anglais) et l’astronaute américain Jack Fischer. C’était la première fois depuis 2003 qu’il n’y avait que deux personnes dans la Soyouz au décollage, et il faut préciser que vu le planning de l’ISS, cela ne se reproduira pas de sitôt: les russes ont beau avoir réduit la voilure pour passer à deux cosmonautes permanent au lieu de trois, les américains ont réservé des places supplémentaires pour augmenter leur capital scientifique, et assurer une présence en orbite avant la mise en service de leurs propres vaisseaux habités.
Plusieurs mascottes sur ce vol, comme il y avait un peu plus de place dans la capsule.
Crédits NASA TV
A noter que Lundi 23 avril est une date particulière pour l’ISS: le Président des Etats-Unis appellera Peggy Whitson, pour la féliciter. En effet, elle deviendra la citoyenne américaine ayant passé le plus de temps en orbite, tous genres confondus, en battant le record de Jeff Williams (534 jours). Un record qui devrait tenir un certain temps…
Peggy Whitson est en ce moment commandant de la mission Expédition 51.
Rein à voir avec le Pastis. Crédits Peggy Whitson
Soyouz MS-04: Séquence rapide
Si on excepte le fait qu’il n’y ait eu que deux personnes dans la capsule, le lancement de Soyouz MS-04 était tout à fait dans la norme. Un décollage de Baïkonour après les dernières semaines sur place et les innombrables traditions cosmonautiques, une fusée qui démarre à l’heure et surtout, le retour des mascottes, ces petites peluches pendues au bout d’un fil, qui permettent au spectateur de saisir précisément à quel moment l’accélération est terminée. Le décollage a eu lieu à 9h13 (Paris), et la fusée Soyouz FG, la 49è de ce modèle (tous des succès) a quitté son pas de tir, Gagarin’s start pour un voyage de moins de 9 minutes vers l’orbite basse. A t+2 minutes, les boosters auxiliaires sont largués, déjà inutiles après ce « coup de main » initial au booster principal. Ce dernier brûle jusqu’à 4m45s en propulsant l’équipage jusqu’à 4G. Le reste de l’accélération est réalisée avec le moteur du second étage. L’animation russe nous a aidé à ne pas trop s’inquiéter: tout s’est très bien passé pour l’injection sur orbite, malgré une coupure moteur « brusque » qui a scotché Jack et Feodor sur les sangles de leurs sièges moulés sur mesure.
La fusée Soyouz FG, service impeccable depuis plus de 17 ans!
Crédits Roscosmos
Spécificité de ce vol, on n’avait plus vu depuis Soyouz TMA-20M un profil pareil, avec seulement 6 heures (soit 4 orbites complètes) entre le décollage et l’arrivée sur l’ISS: une période d’un an pour réaliser les tests et s’assurer de la sécurité de la génération Soyouz MS, qui donne maintenant toute satisfaction. Cette manoeuvre, qui nécessite que l’ISS ajuste son orbite en deux fois dans le mois qui précède le décollage (des petites touches, ça se mesure à quelques mètres par seconde, mais tout de même), est bien pratique puisque l’équipage qui « monte » vers la station peut réaliser toutes les opérations en une journée, certes totalement épuisante et longue, mais toujours plus aisée à supporter que la perspective de passer 48h dans un vaisseau pour lequel l’espace interne avoisine celui d’une cabine de douche. Aussitôt Soyouz détachée de la fusée, les panneaux solaires se sont déployés normalement, et la capsule a activé son système de navigation/approche, l’antenne Kurs. En effectuant rapidement deux allumages moteur, Soyouz MS-04 s’est retrouvée « derrière » l’ISS et l’a lentement rattrapée avant d’aller s’amarrer sur le module russe Poisk, sur le « dessus » de la station internationale.
L’équipage de l’Expédition 51, quelques minutes après l’arrivée des deux « nouveaux ».
Crédits NASA TV
Cygnus OA-7 arrive aussi sur l’ISS
Presque quatre jours après son lancement, le cargo Cygnus OA-7 est arrivé sur l’ISS. « Stationé » quelques kilomètres derrière la station en attendant que les astronautes de Soyouz puissent s’amarrer jeudi, le vaisseau cargo a ensuite réalisé quatre manoeuvres d’approche, pour arriver sous l’ISS, et continuer de s’approcher, toujours par étapes. Pour rappel, ces changements de position sont toujours suivis par une pause, un point de décision pour lequel différents paramètres sont pris en compte:
– Le vaisseau est-il toujours contrôlable? Ses batteries sont-elles OK, son carburant OK? La santé du cargo doit être irréprochable pour autoriser l’approche. Pas question de risquer une panne et une collision. C’est déjà arrivé en 1997, aussi tout le monde est prudent.
– Le vaisseau a-t-il repéré l’ISS? Son système de guidage doit être absolument hors de doute quant à sa position par rapport à la station. C’est ce qui est arrivé avec Dragon en février: le GPS embarqué dans la capsule avait raté le coche, et le vaisseau avait perdu 24h. Rien de grave, mais une précaution élémentaire.
– Les trois équipes doivent être d’accord, sans le moindre doute. Les gens de chez Orbital-ATK, qui ont toujours la main sur leur vaisseau, les équipes de la NASA/ISS qui gèrent le rendez-vous, et les astronautes à bord de l’ISS.
On reconnait facilement Cygnus depuis 2015: le vaisseau emploie des panneaux solaires circulaires de chez Orbital-ATK. Crédits Thomas Pesquet
C’était Thomas Pesquet qui était aux commandes du bras robotisé Canadarm 2, avec Peggy Whitson s’occupant des communications et de la coordination, et Jack Fischer en observation. Tout s’est passé exactement comme prévu, et le bras a pu attraper Cygnus pour le mettre dans l’axe de l’écoutille qui lui était dédiée sur l’ISS, sous le Node 1 Unity (au centre de l’ISS). A 14h39, le vaisseau était totalement raccordé à la Station, et les échanges de pressions ont pu commencer en vue de l’ouverture de l’écoutille. Généralement dans le planning, cette manoeuvre n’est prévue que le lendemain, mais si tout se passe bien avant (et c’était le cas ici), il ne faut que quelques heures pour que les équipes au sol autorisent l’ouverture. Avec presque 3,5 tonnes d’objets à ranger aux quatre coins de l’ISS, les astronautes vont avoir une semaine chargée. Près de 238 expériences scientifiques (des plus petites aux plus grandes) sont en cours ou auront lieu d’ici la fin de l’été, en grande partie grâce à ce vol.
Niveau de coolitude: élevé.
Crédits Thomas Pesquet
Depuis décembre, tous les modèles de cargo
Eh oui, depuis le 16 décembree, en 5 mois, nous avons vu tous les types de cargo en service ravitailler l’ISS. Il y a d’abord eu le japonais HTV (décembre) suivi par le Dragon CRS-10 de SpaceX en février, le cargo russe Progress MS-04 en février également, puis le Cygnus cette semaine. Les réserves de l’ISS, malgré certains retards de lancement (SpaceX notamment a au moins une rotation de cargo de moins que prévu à cette date), sont au plus haut. L’incident de début décembre avec la désintégration de Progress MS-03 lors de son décollage, est loin derrière nous. Bref, la Station se porte à merveille. La preuve en est que le Cygnus transportait cette fois-ci près d’une tonne d’équipements scientifiques, assez pour tenir tout l’été au besoin! Ce ne sera pas nécessaire, puisque les deux mois à venir verront à nouveau Dragon (toute fin mai) et Progress (le 14 juin) rejoindre l’ISS. Le ballet des rotations rythme la station, et on a effacé depuis l’année dernière la suite de catastrophes de 2015 (trois cargos différents se crashent à 8 mois d’écart). Toutefois, la vigilance est de mise…
Le prochain cargo Dragon CRS-11 sera le premier à réutiliser une coque pressurisée, puisque le matériel au coeur de CRS-11 est déjà allé sur l’ISS avec CRS-4. Une autre grande première?
Tout petits mouvements une fois que le cargo est attaché au bras: il ne faut pas oublier l’inertie de l’objet! Heureusement tout s’est bien passé. Crédits Thomas Pesquet
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