[Mercure] BepiColombo est sur la bonne voie
La mission BepiColombo nous avait fait un peu peur à l’hiver dernier, lorsque l’ESA avait annoncé qu’elle raterait sa fenêtre de tir d’avril 2018 à cause d’un problème détecté sur l’alimentation électrique du vaisseau. Par chance, tout semble être rentré dans l’ordre, et le décollage, maintenant prévu pour le mois d’octobre 2018, est enfin en ligne de mire! Le vaisseau était assemblé pour la dernière fois à l’ESTEC, le centre de l’ESA aux Pays-Bas.
Trop souvent oubliée, Mercure est difficile à atteindre!
Crédits NASA
Encore un petit essai…
Le vaisseau, une fois assemblé fait six mètres de haut, il est taillé pour rentrer tout juste sous la coiffe de la fusée européenne Ariane 5! Ces derniers jours ont vu la fin des essais pour le grand ensemble, qui a été testé aux vibrations, mais aussi en chambre acoustique pour être certains que le décollage n’endommagera pas le vaisseau de 4,1 tonnes! Une masse inédite pour une mission des plus ambitieuses… Qui ne sera mise en avant qu’après ExoMars, lorsqu’elle freinera une dernière fois pour entrer en orbite de Mercure, la planète la plus proche du Soleil en 2025. Sept années de trajet propulsé par des moteurs ioniques qui devront être actifs durant plus de 20 000 heures! BepiColombo manie les superlatifs comme seules les grandes missions planétaires peuvent le faire… Mais son développement fut long, très long… Déjà prévue dès les années 2000, avec un possible rendez-vous en orbite avant de partir vers Mercure, BepiColombo devait décoller entre 2007 et 2009! Il ne sert donc à rien de se précipiter, quelques mois ne vont pas changer la donne. Les panneaux solaires du module de propulsion et du module européen ont également été vérifiés dans les dernières semaines. L’assemblage va être démonté cet été, pour que l’ensemble propulsif soit placé au four et testé en conditions réelles… Eh oui, Mercure dispose d’un environnement qui sera très exigeant pour la mission. Il sera ensuite remonté à Kourou.
Voici BepiColombo (à gauche). La pièce à droite est un bouclier thermique, qui sera largué après l’entrée en orbite. Crédits ESA
Après 3 survols de la mission Mariner 10 en 1974 et 1975, c’est surtout la mission NASA Messenger qui a réussi le tour de force de mettre la petite sonde en orbite le 23 mars 2011 autour de la mystérieuse planète la plus proche du Soleil. Entièrement cartographiée deux ans plus tard, Mercure ne livrera pas tous ses secrets et continue de poser beaucoup de questions, notamment sur le coeur métallique de la planète, la présence de glace à ses pôles, ou l’étude de sa magnétosphère. En fait, même si BepiColombo arrivera 10 ans après la mort de Messenger (écrasée volontairement dans un cratère), elle embarque des instruments qui vont venir complémenter les mesures américaines et les 100000 clichés réalisés sur place. Des clichés plus précis, des orbites différentes, l’apport sera important… Mais il faudra que les vaisseaux européens et Japonais de la mission survivent au moins un an, c’est la durée souhaitée de BepiColombo.
L’un des quatre propulseurs ioniques Qinetiq T6 du vaisseau. Crédits ESA
Une mission, trois vaisseaux
Ah parce que oui, BepiColombo est un assemblage assez original de trois vaisseaux (ainsi que quelques adaptateurs). Il y a d’abord le MTM (Mercury Transfer Module) qui contient essentiellement la propulsion et de larges panneaux solaires (12 m) pour alimenter les petits moteurs ioniques. Le MTM sera très actif jusqu’à 2025, au contraire des instruments de la mission qui seront en sommeil, sauf pour quelques observations de vérifications lors des différents survols. La Terre en 2020, puis Vénus à deux reprises en 2020 et 2021, avant d’atteindre Mercure pour la première fois encore en 2021… Et de freiner à chacun des six survols prévus avant la mise en orbite le 5 décembre 2025. En réalité, le MTM ne sera pas en orbite de Mercure: ce sont les vaisseaux qui vont se charger de freiner, en utilisant pour cela des petits propulseurs RCS chimiques. C’est le MPO (Mercury Planetary Orbiter), le vaisseau de l’ESA, qui va freiner l’ensemble, jusqu’à atteindre une trajectoire très elliptique autour de Mercure. Là, le vaisseau Japonais va se détacher, et rester à cette altitude, il s’appelle MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), tandis que la partie européenne de la mission va freiner encore, pour se mettre en orbite basse à 480*1500km, qui ne sera atteinte qu’en mars 2026. Trois mois de manoeuvres sensibles après 7 années de trajet!
Voici le « stack » de BepiColombo. De haut en bas, MMO, le bouclier thermique, MPO, et MTM.
Crédits ESA
MPO est équipée de capteurs très performants qui vont permettre de vraiment mieux « zoomer » sur l’intéressante surface de Mercure: un laser altimétrique pour cartographier en 3D avec une résolution de 20 à 50m, mais aussi un grand zoom optique qui va permettre des clichés jusqu’à 5m/pixel! Il faut espérer que la mission fasse l’objet d’une belle communication, centrée sur les vaisseaux et les retours des expériences scientifiques, à l’image de ce qui a été fait pour Rosetta (et à l’inverse du premier volet d’ExoMars, resté assez confidentiel en dehors de la rentrée semi-ratée de Schiaparelli).
Focus sur le vaisseau européen MPO.
Crédits ESA
Mieux comprendre les exoplanètes
L’un des résultats attendus de l’étude « complète » de Mercure (n’en doutez pas, les questions resteront nombreuses), c’est son évolution passée compte tenu de sa position par rapport au Soleil… Or on vit depuis une dizaine d’années une véritable révolution dans l’observation des étoiles proches: la découverte de milliers d’exoplanètes, grâce à diverses méthodes (transits, tremblements gravitationnels) qui vont encore se raffiner dans les prochains temps et mettre au jour de nouveaux exemples de systèmes planétaires. Du coup, comprendre comment une planète comme Mercure a pu devenir telle qu’elle est aujourd’hui est important pour mieux comprendre les exoplanètes proches de leurs étoiles, qui ont parfois des caractéristiques proches de notre Soleil (il est assez lambda), et parfois sont plus exotiques (naines rouges, etc). L’étude des radiations sur Mercure, l’intéraction de sa magnétosphère avec les vents solaires, son coeur métallique (liquide ou solide?), tout cela va permettre d’affiner drastiquement les modèles des exoplanètes qui sont observées. L’étude d’une planète exposée très longtemps à d’importants rayons ultraviolets (c’est le cas de Mercure) intéresse fortement les planétologues…
La partie japonaise de la mission, MMO, restera en orbite elliptique lointaine.
Crédits ESA
Pour mieux comprendre, et peut-être un jour identifier une vraie planète habitable, il faut d’abord bien identifier et décrypter celles qui sont accessibles mais ne supporteraient pas la vie… Pour l’instant, BepiColombo a encore du pain sur la planche! C’est aussi la seule mission en préparation pour viser Mercure.
Test d’ouverture des panneaux sur l’un des côtés du MTM. C’est grand!
Crédits ESA
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