[X-Prize] Dur, dur, d’atteindre la surface lunaire
A moins de six mois de la fin du défi lancé par la fondation X-Prize (et grâce à la cagnotte de Google), le GLXP, pour atteindre la surface lunaire et y rouler sur 500m, il semble de plus en plus probable qu’aucune entreprise indépendante des états ne puisse arriver à temps à l’objectif final. La liste des candidats s’était déjà considérablement rétrécie au 1er janvier 2017, puisque c’était la date limite pour avoir un contrat de lancement avec un acteur « sérieux ». Il reste 5 mois, petite revue de détail.
Bonus: j’ai eu le plaisir de rencontrer le PDG d’Astrobotic, qui était une ancienne équipe engagée dans le GLXP, et que je considérais comme l’une des plus sérieuses du challenge, lors du salon du Bourget 2017. Si le reste de l’interview est paru dans l’un des numéros de juillet d’Air et Cosmos, John Thornton m’a un peu parlé de sa vision du GLXP, qu’il a longtemps considéré comme un accélérateur, un catalyseur vers les ambitions lunaires. Mais pour lui c’est très clair, en tant que concurrent engagé, il ne voit aucune des entreprises restantes réussir à se poser sur la surface lunaire d’ici la fin de l’année. Selon ses propres termes « L’équipe indienne… Eventuellement, mais je ne pense pas qu’ils partiront à temps ».
Résumé de ce qui est demandé pour remporter les 25 millions de dollars dédiés au vainqueur.
Crédits GLXP
Team Indus / Hakuto sur PSLV
J’avoue que c’est toujours pour eux que je donne le plus de chances d’un départ à l’heure. Pour autant le Times of India, qui est un journal digne de foi, a cité cette semaine des officiels de l’agence spatiale indienne qui indiquaient que l’Inde allait viser deux fois la lune dans le premier trimestre 2018, ce qui semble indiquer que le vol sera retardé et donc que Team Indus et Hakuto, qui partagent à la fois le vol et l’atterrisseur, dépasseront la date limite. Notons que le choix des mots est important, car on ne peut pas totalement les éliminer pour le moment: si la mission part le 28 décembre comme prévu (sur une fusée PSLV) pour le moment, les deux rovers atterriront sur la Lune au premier trimestre 2018! Plus sérieusement, il semble que le programme indien pour cette année soit un peu en retard sur le calendrier, et rien ne nous dit que les rovers seront à l’heure eux aussi pour le départ lunaire. Les deux équipes se sont fait inutilement silencieuses dans la première moitié de l’année, ce qui n’est pas non plus un très bon signe.
Quand même, ces deux équipes restent dans la catégorie du « possible ». Même si l’horizon s’assombrit…
Prix du rover le plus mignon pour Team Indus
Crédits Team Indus
SpaceIL sur Falcon 9
Ah c’est vrai, on se dit que Falcon 9 est un fournisseur fiable. Et que voyager en second passager d’un acteur qui a pour réputation de casser les prix, c’est un bon moyen de se payer un voyage vers la Lune. Sauf que cet espoir raisonnable s’est effondré le 1er septembre dernier avec la catastrophe d’Amos-6 sur son pas de tir. Cet énième retard de l’entreprise californienne se fait encore sentir aujourd’hui, malgré les 10 tirs en 6 mois pour SpaceX. Le vol qui devait permettre à SpaceIL d’atteindre la surface lunaire est pour l’instant prévu au 1er trimestre 2018, lui aussi. Le manifeste de SpaceX, plein à craquer, s’aménage assez mal pour Spaceflight Inc. qui est l’entreprise qui a acheté le vol dans sa globalité (et qui a pour but d’emmener plus d’une centaine de CubeSats) et qui a du reprogrammer une majorité de ses clients. SpaceIL, qui dans tous les cas ne disposait pas d’un vaisseau bien imposant (mais quand même d’un concept d’atterrisseur qui vaut le détour), devra se contenter de partir, peut-être, au début 2018.
14 vols sont pour l’instant signalés sur le manifeste de SpaceX avant celui de SpaceIL.
Modèle en carton de l’atterrisseur de SpaceIL.
Crédits SpaceIL
Moon Express sur Rocket Lab
Au début de l’année, on leur donnait presque déjà la victoire. Mais il fallait se méfier… Non seulement Moon Express n’est pas plus expérimentée que ses concurrents, mais Rocket Lab n’avait jusqu’à cette année jamais fait décoller sa fameuse fusée légère, Electron. Le premier test a bien eu lieu au mois de mai… Mais ce tir de test n’a pas permis de valider les performances totales de la fusée, qui n’a pas envoyé la masse inerte qui faisait office de satellite en orbite. Si un échec était prévisible au premier vol, ce dernier avait déjà lieu très tard dans l’année! L’entreprise s’était fixée deux vols de certification supplémentaires avant de démarrer les opérations commerciales d’Electron, avec un premier vol dédié à Moon Express. Malheureusement, la seconde fusée n’a pas encore fait son apparition sur le pas de tir en Nouvelle Zélande, et le PDG de RocketLab Peter Beck a fait cette semaine une déclaration qui a du beaucoup inquiéter Moon Express « Le rapport sur le premier tir devrait être disponible dans les prochains jours, et je suis confiant pour que la prochaine fusée décolle dans les 2 à 3 mois qui viennent ». Ouch.
Même si Moon Express reste en course, on voit mal comment RocketLab serait capable d’aligner trois vols réussis en 5 mois.
Chez Moon Express d’ailleurs, on parle beaucoup plus volontiers des « 3 missions lunaires avant 2020 » que du GLXP. Crédits Moon Express
Synergy Moon sur Neptune 8
Cette équipe est celle qu’on attendait le moins dans la sélection, et honnêtement je ne comprends pas comment ils ont réussi à passer l’étape de la validation. En effet, Synergy Moon est peut-être une aventure tout à fait sérieuse et respectable, mais pour l’instant, elle n’a rien montré qui soit vraiment relié à un « vrai » matériel. Pas de rover, pas d’atterrisseur, pas d’images. Si cela n’était pas suffisamment inquiétant, il reste le lanceur. Vous ne connaissez pas Neptune 8? Pas d’inquiétude, vous n’avez raté aucun épisode de la course à la Lune! Tout bêtement, ce lanceur n’existe pas. Pas encore, et on a raison de douter de son existence toute entière. Le contrat de lancement a été signé avec Interorbital Services, qui est… euh… comment dire… Plus ou moins une équipe amateure aussi. Interorbital Services n’a jamais lancé de fusée suborbitale, pour tout vous dire. Mais à les lire, les tests devront s’enchaîner à un rythme fou dès les prochaines semaines! Vous me permettrez de douter, puisque tout acteur un tant soit peu sérieux fait les choses dans l’ordre, à savoir développer puis tester une fusée avec quelques qualifications et tests « réels », et non un simili-lancer en 2016 qui n’aurait pas atteint les 10km d’altitude.
Bref, à moins de la plus grande surprise de l’histoire de l’exploration spatiale depuis Spoutnik, Synergy Moon n’a aucune chance.
Je vous met les logos ici parce que soyons clairs, Synergy Moon n’a pas de photos de son rover ou d’un quelconque atterrisseur. Palme du patch au Team Hakuto, en bas à droite.
Crédits GLXP
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Est-ce qu'un petit lanceur comme Electron est capable d'envoyer une charge utile vers la Lune?
C'est une question très intéressante. Comme il est conçu pour envoyer des charges utiles en orbite basse, le vaisseau (en l'occurence de Moon Express) doit avoir les moyens pour s'échapper lui-même de l'attraction terrestre, et faire (en gros) lui-même le boulot d'un troisième étage.
Et bien sûr tout ça est théorique pour l'instant, puisqu'Electron n'a pas atteint l'orbite pour le moment.
Mais alors ça veut dire que le vaisseau devra emporter plus de carburant, donc une masse lourde à mettre en orbite. Du coup, ça veut dire que l'atterrisseur en lui-même devrait-être très léger?
Oui absolument. Pour Moon Express d'ailleurs, le vaisseau n'emporte pas de rover, c'est un "hopper", ce qui pourrait se traduire par "atterrisseur/sauteur", son micro-moteur lui permettant de faire des petits trajets d'un site à l'autre à la surface.
Théoriquement, encore une fois.