Ouf! Grand soupirs de soulagement et surtout, les traditionnels bonnets de Noël sur la tête: les équipes d’Arianespace ont pu fêter dignement la dernière campagne de l’année, réussie comme il se doit. Ce n’était pas un « simple » lancement commercial, mais aussi un tir crucial au service de l’ESA et de l’Union Européenne: le déploiement d’une « grappe » de 4 satellites Galileo pour augmenter la constellation. Et les unités sont attendues… Depuis un an les premiers services sont actifs et malgré quelques défauts de jeunesse, toutes les promesses sont au rendez-vous!
Le lancement d’Ariane 5. Une valeur sûre!
VA240, le défi d’Ariane 5
Pour ce 240è vol de la famille Ariane, les chiffres donnent comme d’habitude le tournis. Plus de 15 ans sans échec pour Ariane 5 avec 82 lancements réussis d’affilée… Et un joli 7/7 pour la version utilisée ce soir, l’Ariane 5 ES (pour Evolution Storable). Contrairement à la version ECA utilisée pour mettre les duos de satellites en orbite de transfert géostationnaire, la version ES est bien moins puissante, mais possède la capacité unique pour l’étage supérieur d’être rallumable après plusieurs heures de vol. Ce fut le cas aujourd’hui: plus de 3h et 27 minutes après le tir, l’étage EPS a rallumé son moteur principal pour circulariser l’orbite des 4 satellites Galileo avant leur déploiement. Ce qui signifie aussi que l’étage supérieur va devenir un débris en orbite à plus de 23000 km (pas top…) mais c’est actuellement le cas pour l’extrême majorité des satellites qui sont emmenés vers les constellations, qu’il s’agisse de Beidou, Glonass ou le GPS américain. Signalons aussi le 11è succès cette année pour Arianespace.
Dernière phase de la mission: l’EPS est allumé pour la 2è fois.
Crédits Arianespace
Le décollage a eu lieu à 19h36 (Paris) et comme d’habitude, il aura fallu attendre T-0 + 6 secondes pour que le moteur principal hydrogène/oxygène monte en puissance et que les deux boosters auxiliaires EAP s’allument. A partir de là, aucun retour possible! La fusée n’était visible que quelques secondes, la faute à une couverture nuageuse très basse. Mais elle est passée à travers tout ça, avant d’accélérer au-delà de Mach 1 et Max-Q. Après 2 minutes et 20 secondes de vol, les deux boosters ont fini de brûler leur carburant solides et ont été éjectés. Une minute 24 secondes plus tard, c’est le tour de la coiffe: le lanceur vient de passer les 100km d’altitude, plus besoin de s’encombrer avec une protection contre les frottements atmosphériques. Le premier étage est resté allumé 8 minutes et 55 secondes, avant de s’éteindre et d’éjecter l’étage supérieur EPS (Etage à Propergols Stockables). Le petit étage est resté allumé dans une première séquence pour accélérer les 4 satellites et leur dispositif d’accroche jusqu’à presque 9 km par seconde, au-dessus de l’Atlantique Nord. Presque 11 minutes de fonctionnement intensif pour le moteur, pendant que l’étage suivait exactement la trajectoire prévue. L’étage s’est ensuite éteint durant 3h le temps de gagner de l’altitude et d’arriver à presque 23000 km de la surface terrestre. Là, un dernier allumage moteur pour circulariser l’orbite, et l’éjection des satellites a pu avoir lieu. Bonus, l’étage EPS allume ensuite ses moteurs auxiliaires pour se placer sur une orbite « poubelle » et ne plus jamais croiser la route d’un satellite Galileo. Les 4 satellites éjectés, c’est un succès. Encore un pour Arianespace, et pour Ariane 5, malgré la pluie de critiques sur le lanceur européen ces dernières semaines…
Elle surgit de la jungle, et elle surprend toujours!
Crédits DutchSpace sur Twitter
Bonjour Alexandre, Irina, Nicole et Sofia
Eh oui, rappelons que les vaisseaux de Galileo sont nommés après un concours pour récupérer les noms d’écoliers de toute l’Europe! Ce sont des satellites assez compacts, puisqu’ils ne pèsent que 715 kg chacun, ce qui est impressionnant quand on sait que leur durée de vie est garantie jusqu’à 12 ans d’opérations! Bien entendu, le matériel embarqué n’est pas lourd, il n’y a d’ailleurs pas « grand chose » sous le capot comparé à un satellite de communication et ses dizaines de transpondeurs et leurs grandes capacités de calculs. Sur un satellite Galileo en plus du « bus » qui assure la vie du satellite, il y a les antennes (réception, mais surtout émission à grande capacité sur les fréquences utilisées pour le positionnement), et puis les 4 horloges atomiques, 2 à technologie maser hydrogène (ce sont les plus puissantes au monde en service, avec une dérive d’une seconde… toutes les 3 millions d’année) et 2 autres horloges plus « classiques » à technologie rubinium (on regarde la fréquence du changement d’état des atomes). Les vaisseaux Galileo sont fabriqués et assemblés par OHB en Allemagne (bien que le package « horloges » soit réalisé en Angleterre). Le CNES est aussi impliqué, car c’est l’agence française qui se charge de tester et piloter les satellites jusqu’à ce qu’ils soient à leur place « finale » dans la constellation Galileo.
4 satellites sous la coiffe! Une longue campagne de tir, mais avec un seul lancement par an, une belle économie de moyens pour Galileo! Crédits Arianespace/ESA/CNES/CSG/JM Guillon
Sur le live du lancement, tout le monde se félicite, il y a maintenant 22 satellites Galileo dans la constellation, qui est la plus précise au monde! Euh. Woh woh woh. Du calme. Déjà, il y a effectivement 22 satellites Galileo. Mais… Dans ces 22, il y en a 4 qui sont des Galileo IOC, les satellites utilisés pour les tests initiaux de la constellation. Cela veut dire qu’ils sont un peu moins performants, mais aussi qu’ils n’ont pas été fabriqués par OHB. Et puis, l’un d’entre eux ne fournit plus de signaux depuis 2014. Dans les 18 satellites Galileo FOC (Final Operational Capabilities), il faut aussi inclure les 2 qui ont été injectés sur une mauvaise orbite en août 2014 et ne fournissent pas de signaux de positionnement: ils sont utilisés pour des tests avec les centres au sol. Et depuis le 8 décembre, l’un des autres satellites FOC est désactivé, probablement pour aménager son orbite pour l’arrivée des 4 nouveaux éléments de la constellation. On résume, à ce jour: 22 satellites…
– 4 satellites IOC dont 1 inactif – 2 satellites FOC en « tests » ne fournissent pas de signaux de positionnement valides. – 1 satellite éteint pour repositionnement. – 4 satellites tout neufs en cours de positionnement avant 4 à 6 mois de tests. – 11 satellites FOC actifs. Ah oui c’est sûr, c’est moins impressionnant… D’ici juillet/août 2018, on sera si tout va bien à 19 satellites actifs. Vous ne me croyez pas? Allez vérifier https://www.gsc-europa.eu/system-status/Constellation-Information
Je vous rassure, les satellites Galileo sont généralement à plusieurs milliers de kilomètres les uns des autres… Crédits ESA
En coulisses, la bataille du positionnement fait rage
Bon attention, pendant la première année de service, les données ont eu le temps de montrer que lorsque vous avez 4 satellites Galileo à portée (ce qui arrive de plus en plus souvent), le positionnement est effectivement le plus précis que l’on peut obtenir sur le marché. Si la couverture n’est pas encore mondiale, elle augmente chaque année. Et avec 4 satellites de plus l’année prochaine, la majorité du Globe sera couverte à tout moment. Pas tout: avec la configuration orbitale choisie pour Galileo, il faudra 26 satellites actifs pour que toute personne sur le globe puisse avoir 100% de couverture théorique. Cet objectif ne sera pas tout à fait réussi puisque d’ici 2020, un seul lancement de 4 satellites identique à celui d’aujourd’hui aura lieu (23 maximum actifs). Puis Ariane 6 prendra le relais avec des envois de 2 satellites Galileo à chaque tir: 2 contrats sont déjà signés pour 2020 et 2021. La constellation européenne sera donc déployée pour durer, et elle est déjà une réalité aujourd’hui. Elle a eu des soucis initiaux de déploiement. Certes. Elle a eu des soucis d’horloges atomiques, c’est vrai. OHB assure que maintenant tout est réglé sur les nouveaux éléments. Espérons donc que le succès se confirme!
Malgré le mauvais temps, toujours de belles images… Crédits Arianespace/ESA/CNES/CSG
Galileo inquiète. Parce que c’est tout de même un succès, malgré tous ces ennuis. Et parce que voyez vous, en face… Les autres ont du retard aussi. Les chinois déploient Beidou mais on ne sait pas non plus s’ils seront parés pour 2020. Et le signal ne sera peut-être pas aussi intéressant que celui de Galileo. Le GPS ? Il restera la référence. Enfin, peut-être: cela dépendra grandement du déploiement des futures unités de troisième génération, qui ont sur le papier une qualité de signal très légèrement supérieure à Galileo. Mais aujourd’hui, aucun n’est en orbite… Et comme pour le Glonass russe, les satellites GPS vieillissent: en moyenne, ils ont plus de 10 ans! Le système russe, je vous en parle parfois, est en sous-remplacement chronique… Chaque année la Russie devrait envoyer entre 3 et 4 unités de remplacement. Or cela fait longtemps que le pays n’en envoie qu’un ou deux, tenant ses satellites parés au sol, plutôt pour remplacer les unités trop vieilles que pour augmenter la constellation. Cela changera peut-être avec Glonass-K, une évolution attendue depuis 2011, puis 2015 dans ses différentes versions.
Galileo sur Ariane 5… A l’année prochaine!
Crédits ESA/CNES/CSG/P. Piron
Vous l’aurez compris, l’Europe a beaucoup investi. Des satellites en constellation. Des lancements par Ariane 5. Et malgré tout, aujourd’hui… Ca paie! Même si au final, c’est le client qui décide. Et là encore, il y a de bons signes: les nouveaux smartphones les plus avancés du moment disposent de puces qui intègrent déjà le positionnement par Galileo en supplément des autres signaux. Un beau succès… à confirmer!
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