[Mars] Un atterriversaire et un lac
Alors qu’on apprenait ce matin même (6 août) que la sonde InSight est tout pile à mi-trajet entre la Terre et Mars, il est à nouveau temps de faire un petit point de situation sur la planète rouge. Déjà pour vous dire qu’on la voit particulièrement bien dans le ciel et que vous n’avez pas besoin d’attendre 2135 ou toute autre date farfelue pour la voir aussi bien. Une paire de jumelles, un trépied et vous verrez déjà la petite boule orange.
Mais c’est bel et bien dessus que les événements qui nous intéressent ont lieu.
Curiosity fête son atterriversaire !
Crédits NASA/JPL-Caltech
Curiosity fête ses 6 ans d’action !
Le temps passe vite ! Il y a six ans, la nouvelle était dans toutes les bouches, même en France puisque notre pays a participé à l’aventure grâce à l’instrument ChemCam, doté d’un laser et d’un appareil photo qui fonctionnent encore les deux aujourd’hui, au point d’être l’un des postes les plus actifs du rover. Le plus imposant des robots jamais posés sur une autre planète, le plus scientifiquement abouti et le plus ambitieux, avait bénéficié alors de la première mission employant une « skycrane », système de grue qui s’était stabilisée à 30m au-dessus du sol pour laisser descendre Curiosity avant d’aller de crasher quelques centaines de mètres plus loin. Une véritable réussite, un chef d’oeuvre technologique aussi. Et un rover qui, au final, n’est pas si usé par le poids des années… La preuve en est qu’il survit déjà sa seconde extension de mission actuellement, et que les systèmes sont au vert. Certes, il y a ce problème récurrent d’usure des roues, qui nécessite de les inspecter régulièrement, d’éviter les terrains les plus difficiles et de bien planifier les déplacements. Mais le phénomène est assez maîtrisé pour l’instant.
Et comme vous le savez, il y a le souci de foreuse depuis décembre 2016. Lequel a été « patché » en utilisant le foret toujours à l’extension maximale et en utilisant le bras robotisé pour faire pression sur le sol. Pour le reste, à part un peu de poussière sur le dos, Curiosity se porte comme un charme !
Toujours à la recherche d’un site de forage qui permette de prendre des échantillons…
Crédits NASA/JPL-Caltech
Actuellement, le rover star cherche toujours un bon lieu de forage sur la zone des Vera Rubin Ridge. Or c’est bien plus compliqué que prévu. Après un test réussi de forage sur l’espèce de roche en millefeuille « Duluth » fin mai, les équipes sont revenues sur leurs traces de l’hiver dernier, dans l’espoir de faire quelques trous et surtout d’analyser des échantillons de sites connus. Mais jeu de malchance, le site « Voyageurs » choisi avec moult précautions pour la mi-juillet fut constitué de roches trop dures pour être percées sur plus de quelques millimètres. Et vous ne savez pas le pire ? Dix jours plus tard, rebelote avec le site « Ailsa Craig », lui aussi sélectionné car il présentait des caractéristiques de sol intéressantes.
Actuellement, les équipes ne se sont pas résignées. Curiosity a parcouru quelques mètres pour revenir une fois de plus sur ses pas pour chercher une cible géologique intéressante autour de Pettegrove Point plutôt que sur les Vera Rubin Ridge à proprement parler. Il faut saluer leur courage, et leur volonté de ne jamais baisser les bras ! Nul doute que si ce 3è essai est lui aussi négatif, ils ne se résoudront pas…
Le site Ailsa Craig, après la tentative de forage. Pas facile…
Crédits NASA/JPL-Caltech
La tempête est toujours là…
Un mois de plus sans contact avec Opportunity ! La grande tempête, qui a vu de gigantesques nuages de poussière recouvrir la majorité de la planète Mars depuis début juin, ne s’est pas encore totalement arrêtée. Certes, les vents sont retombés, mais les nuages de poussière sont toujours bien présents sur une grande partie de l’atmosphère et « bouchent » la vue au sol dans un clair-obscur pâle et bien entendu insuffisant pour générer assez de courant (et charger les batteries) sur les panneaux solaires du petit rover.
On en est donc à deux mois sans contact avec le plus petit des deux robots à la surface de Mars, et comme tout est en train de se calmer, les différentes sondes en orbite commencent à pouvoir à nouveau étudier la surface (tout en surveillant le phénomène, et en engrangeant des centaines de points de données). Malgré tout, les scientifiques du JPL estiment qu’il faudra encore plusieurs semaines au minimum, et peut-être plusieurs mois pour que la situation revienne à la normale. Ce qui est ennuyeux, parce que en ce moment, c’est l’été sur Mars, ce serait le meilleur moment pour qu’Opportunity puisse revenir à la vie…
En voilà une autre qu’on a cru perdue pour toujours ! Et pourtant les équipes ont réussi une belle prouesse. Crédits NASA/JPL-Caltech
Sans être pessimiste, il semble compliqué que le petit « Oppy » puisse un jour revenir à la vie. Cela impliquerait d’abord que les conditions de visibilité soient revenues au beau fixe, et que les panneaux solaires soient bien dégagés. Ensuite, il faut que les batteries puissent être chargées, à savoir que si elles ont atteint leur « zéro charge », la probabilité est forte pour qu’elles soient au minimum endommagées de façon permanente. Et ce n’est pas tout ! L’électronique de bord a pu geler, ce qui n’est pas non plus un bon signe pour la reprise.
Mais… N’empêche. Avec de bonnes conditions, il n’est pas encore perdu ! Dans les prochains mois, les équipes vont plusieurs fois tenter de rentrer en contact avec le petit robot. Et sait-on jamais…
6 ans à rouler sur le sol inégal de Mars, c’est exigeant pour le matériel. Crédits NASA/JPL-Caltech
Un lac sous le pole Sud
Et c’est la fête à la banane dans les médias sensationnalistes ! Plus sérieusement, il s’agit d’une découverte que l’on doit aux instruments de la sonde européenne Mars Express, en orbite depuis 15 ans autour de la planète rouge. C’est aussi une découverte un peu décriée, parce qu’il n’y a que les scientifiques italiens de l’équipe du radar MARSIS qui ont publié, les autres membres de cette équipe internationale n’ont pas participé au papier (!). Donc, c’est à prendre avec des pincettes, mais ça n’en reste pas moins intéressant. La sonde avait déjà réussi à prouver qu’il restait de l’eau liquide sur Mars, à ses pôles, résultats de fontes de glaces localisées à l’été, aux endroits ou la glace est piégée entre différentes couches de sables et de poussières. Mais cette fois, c’est différent : les relevés radar ont montré une énorme cavité, de 20km de long environ, située à 1,5km de profondeur sous la glace du Pôle, qui correspondrait à un lac d’eau liquide.
Evidemment, ceux pour qui eau liquide = vie se sont jetés sur l’occasion. Pour autant, même si c’est une très bonne nouvelle et une superbe piste pour l’étude des couches géologiques et des sous-sols de Mars, ce n’est pas une si bonne nouvelle.
Le relevé radar créé une « tranche » de Mars. Ce sont ces relevés brillants qui ont permis, en de nombreux passages, de cartographier un lac souterrain. Crédits ESA/NASA/JPL/ASI/Univ. Rome; R. Orosei et al 2018
Déjà, il faut se souvenir des conditions de températures, même sous la croûte du Pôle Sud de Mars. On tourne autour de -70°C, ce qui pour les plus perspicaces d’entre vous, ne permet pas à l’eau de geler… Sauf si elle est saturée de sels et d’autres composants chimiques qui l’empêchent de geler et qui ne sont pas particulièrement de bons atouts en faveur de la recherche de traces de vie. D’autre part, à 1,5km de profondeur on ne peut pas s’attendre véritablement à autre chose qu’à des micro-organismes, n’ayant accès qu’à très très peu de ressources naturelles.
Reste que cette « eau liquide » qui pour nous se présenterait sans doute sous forme de boue, est une bonne nouvelle pour la planète rouge et pour son étude. On n’a pas encore tout découvert et surtout, il y a du potentiel sous la surface ! Pour aller le chercher par contre, il faudra se lever tôt : avec ces caractéristiques, il faudrait déjà un vaisseau capable d’aller se poser au Pôle Sud martien, puis de forer à travers la glace sur une longue distance avant, enfin, d’atteindre le lac. Une activité titanesque qui ne peut pas être envisagée en l’état.
Un lac sous Mars: quelques explications en photos.
Crédits Context map: NASA/Viking; THEMIS background: NASA/JPL-Caltech/Arizona State University; MARSIS data: ESA/NASA/JPL/ASI/Univ. Rome; R. Orosei et al 2018
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Toujours aussi intéressant! 🙂
Merci pour tous vos articles.