[Astéroïdes] Hayabusa2 largue Minerva 2 !
Moins de dix jours après l’essai (qui n’avait pas été totalement concluant) de descente vers la surface, la sonde japonaise Hayabusa2 a tenté sa chance et est venue larguer deux petits robots Minerva 2-1 à quelques dizaines de mètres de la surface de l’astéroïde Ryugu. Une grande première pour le Japon, si ce n’est mondiale ! Retour sur ce qui marque déjà un grand succès de la mission.
Prise à 80m d’altitude, quelques minutes avant de larguer les deux petits robots, cette image nous montre bien que la surface de Ryugu n’est pas un terrain facile ! C’est bien l’ombre de la sonde que vous voyez, éclairée par le soleil derrière elle. Crédits JAXA
Tirer les leçons des difficultés
Le 12 septembre au matin, alors qu’elle était à environ 630 mètres de la surface de l’astéroïde, la sonde Hayabusa2 a pris la décision d’inverser sa direction et de remonter. La raison est toute simple: son système Lidar, qui utilise un faisceau laser pour obtenir une information d’altitude, ne se réfléchit pas bien sur la surface: Hayabusa2 ayant détectée qu’elle était en danger, elle est donc remontée vers son point de départ à environ 20km d’altitude. Immédiatement, les équipes japonaises responsables de la sonde se sont penchés sur le problème et en manipulant les paramètres de réglage du Lidar, ont été si confiants dans leur travail qu’ils ont jugé qu’une seconde « grande répétition » de la descente vers la surface était superflue. Pas question de perdre du temps en effet : le planning est serré au moins jusqu’à la fin de l’année… Et pour la suite aussi : rappelons que la sonde Hayabusa2 doit récupérer des échantillons de poussière à la surface, et qu’elle repart vers la Terre dès le mois de décembre 2019.
A ce stade, on peut être optimistes sur la qualité globale de la mission Hayabusa2 !
Crédits JAXA
Sans retard, les équipes ont donc préparé Hayabusa a une descente qui a démarré le 20 septembre à 7h10 (Paris) après confirmation que tous les éléments de la sonde mais aussi des deux robots Minerva2 étaient actifs. On ne s’en rend pas tout à fait compte mais Ryugu fait un tour sur lui-même toutes les 7h30 environ, or les équipes scientifiques souhaitaient poser les Minerva 2-1 à un point précis. Il faut donc prendre la rotation de Ryugu en compte, planifier la descente en fonction de l’éclairement du site d’atterrissage, mais aussi de la ligne de communication directe avec la Terre : tout ça est complexe, même la partie terrestre ! Les japonais ont pour le coup profité d’un accès au Deep Space Network de la NASA, réseau d’antennes tout autour du monde qui permet de communiquer avec les différents vaisseaux. Hayabusa2 a donc transmis ses informations via Goldstone (USA), Madrid (Espagne), Canberra (Australie) et Usuda (Japon). Tant d’éléments essentiels !
Image prise à environ 120-130m d’altitude. Quelle collection de cailloux !
Crédits JAXA
Un largage réussi et très suivi !
L’opération de largage aura été précédée de presque 24h de descente, exactement comme l’essai de la semaine précédente. D’abord une descente à 40 cm/s avec une approche en visuel uniquement. Puis, à partir de 17h30 et la confirmation d’une distance de seulement 5 km, une réduction de la vitesse à seulement 10cm/s. A très petite vitesse, les équipes ont eu le temps de comparer la réalité avec les résultats de leurs simulations d’approche. Et une fois qu’ils ont été sûrs d’être sur la bonne trajectoire, ils ont laissé Hayabusa2 entrer en mode « tout automatique » à moins de 600m de la surface. Cette fois, le Lidar a bien fonctionné et le vaisseau a continué de descendre, jusqu’à arriver à 60m d’altitude seulement, à 6h25 du matin (Paris). Là, un système a détaché le couvercle qui retenait les deux petits robots Minerva 2-1 qui ont basculé et sont tout doucement tombés vers la surface. Dès que la sonde principale a détecté que les robots s’étaient correctement détachés et qu’ils étaient hors d’atteinte, elle a donné un tout petit coup de propulseurs pour repartir dans l’autre sens. Elle est arrivée le 22 septembre au matin à son « point de départ » à 20 kilomètres de l’astéroïde.
Les deux robots Minerva 2-1. et la couverture du boitier qui a été larguée avec, à gauche.
Crédits JAXA
Les deux robots, qui font 18cm de diamètre pour environ 1,1 kg, ont lentement tourné sur eux-mêmes avant d’atteindre la surface. Une conférence avait lieu le 21 septembre dans l’après-midi pour expliquer les premiers résultats. Les deux robots Minerva 2-1 ont réussi à transmettre leur télémétrie à la sonde Hayabusa2 durant plusieurs heures, y compris au moment du passage en « zone de nuit » lorsque l’astéroïde a tourné sur lui-même. C’est d’ailleurs comme ça que les équipes au sol ont estimé que les Minerva 2 sont à la surface : leur tension interne a détecté la même baisse d’énergie au moment de la nuit que la zone sur laquelle ils étaient sensés se poser. Définitivement une bonne nouvelle !
Equipés respectivement de 3 et 4 caméras, les Minerva 2-1 ont prix au moins une image (non transmise pour l’instant) au cours de leur descente.
UPDATE 22/09 : les deux robots sont en bonne santé, se déplacent et ont réussi à prendre mesures et photographies.
Photo prise par le premier des deux Minerva 2-1, en légère rotation lorsqu’il s’approchait de la surface. Remarquez la sonde, en haut, et la surface de l’astéroïde Ryugu, en bas. Crédits JAXA
Les deux Minerva2 sont sur le terrain
Et maintenant, quoi ? Chacun des deux robots est équipé de nombreux « picots » qui sortent de leurs parois, et qui sont en réalité des sondes de températures. L’idée est de récupérer ces données et de comprendre comment, en fonction des matériaux qui composent la surface (ce que la sonde Hayabusa2 est équipée pour mesurer), les températures évoluent entre le jour, la nuit, à de petites profondeurs de quelques millimètres, etc. Si les sondes réussissent aussi à prendre et transmettre des images, le but est de faire une ou plusieurs cartes stéréoscopiques en fonction des résultats. Et puis ensuite de déplacer les robots: équipés d’un gyroscope en interne, ils ont un frein directionnel qui permet de les faire « sauter » dans une direction ou dans l’autre. Enfin, il y a bien sûr la communication, et pour cela des photos prises par de minuscules robots à la surface d’un astéroïde, c’est de l’or en barres.
D’autre part, ils sont recouverts de panneaux solaires et malgré cette petite surface, ils devraient survivre plusieurs jours en fonction des conditions d’éclairement, tout en transmettant un maximum de données à Hayabusa2.
La surface de Ryugu vue par le second Minerva 2-1 lors de son approche finale. Il tournait moins sur lui-même, mais le grand angle favorise les effets de « flare » solaire. Crédits JAXA
Cette descente aura aussi permis aux équipes de se préparer pour le largage du robot franco-allemand Mascot le 3 octobre, qui devra aussi être un exercice parfait, et ce encore plus que pour les Minerva 2-1. La raison est simple: Mascot est équipé d’une batterie mais n’a pas de panneaux solaires, sa durée de vie sera de 15h minimum, soit à peine deux orbites complètes. Il n’y a pas droit à l’erreur ! D’ici là on en saura plus sur ce qu’auront (ou non) réussi à faire les petits robots Minerva 2-1. Au besoin, les équipes pourront toujours faire des corrections logicielles sur le troisième robot Minerva 2-2 qui lui est encore dans sa boite et qui ne sera largué à la surface que l’année prochaine.
Et ce qui est sans doute l’une des images les plus extraordinaires de toute la mission : cette photo sans effets spéciaux, avec le soleil de face, après un premier rebond d’un des robots. On dirait une affiche de film ! Crédits JAXA.
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