[KSC] Le paysage continue de changer
En Floride, il y a ce qu’on appelle la « Space Coast », cette presqu’île qui s’avance sur l’Atlantique au milieu des marais et qui regroupe le Kennedy Space Center (NASA) et la base de Cape Canaveral (US Air Force). En réalité le KSC est géré comme un organisme public-privé, mais passons. Il se trouve qu’en cette seconde moitié de 2018, le site le plus actif au monde pour décoller vers l’orbite continue de se métamorphoser, à un rythme lent mais inexorable.
La « Space Coast » a rarement aussi bien porté son nom. Crédits NASA/Jamie Peer
Le Pad 39A reçoit son bras d’accès pour les astronautes
Chez SpaceX, la fin de l’été est bien calme, avec un retard sur le prochain décollage depuis le LC-40 qui était prévu fin août et a mystérieusement été décalé de deux semaines. L’entreprise n’en a pas moins fait le show, puisqu’elle a installé sur le pas de tir historique des missions Apollo et Navettes STS, son nouveau bras d’accès pour les astronautes, en prévision du début des vols habités d’ici l’hiver prochain. Une installation très médiatisée pour une pièce particulièrement « design » qui jure un peu avec la tour d’accès sur laquelle elle est accrochée. Pas de panique, Elon Musk a rectifié le tir, et la tour en question recevra elle aussi une amélioration cosmétique pour l’habiller aux couleurs de l’entreprise et reprendre le style « techno-geek » de la firme de Hawthorne. C’est l’occasion de souligner qu’à présent, la Floride compte trois accès à des lanceurs habités sur les pas de tirs LC-39A, LC-41 et sur la structure de lancement mobile de la SLS… Sans qu’aucun des lanceurs habités ne vol pour le moment.
N’empêche, de ce côté là aussi les travaux avancent. D’ici moins de 9 mois si tout se passe bien, un équipage aura décollé de ce même pas de tir pour aller visiter l’ISS. Le prochain décollage depuis le site devrait pour sa part concerner une Falcon Heavy, prévue pour la fin de l’année.
Si, c’est beau. Mais est-ce que c’est pratique ? On a hâte de pouvoir répondre à la question…
Crédits SpaceX
Le Pad 39B teste sa structure de lancement mobile !
Presque deux jours pour traverser 6,6 kilomètres ! C’est très lent, en effet mais c’est la vitesse à laquelle le gigantesque engin chenillé « Crawler Transporter 2 » a transporté la structure de lancement mobile de la future fusée lourde SLS. Après des années de préparation, et plus de six mois dédiés à l’installation et aux tests des différentes structures rotatives à installer sur la tour (ombilicaux pour faire le plein, bras d’accès des astronautes), la NASA a décidé que la structure de lancement mobile (ML) était suffisamment opérationnelle pour se rendre jusqu’à son pas de tir. Un sacré assemblage, que l’on ne voit pas tous les jours et qui n’avait plus, sous cette forme, voyagé vers le pas de tir depuis le mois de juillet 2011. Outre la performance (il faut bien vérifier que le trajet est possible), on notera que le véhicule à chenille a réussi à maintenir l’ensemble bien à niveau lors de la montée à 5° de pente vers le pas de tir LC-39B. La structure de lancement mobile n’a pas encore été placée directement à la verticale de la grande tranchée, comme pour un décollage, peut-être que les tests suffisent pour l’instant. Dans tous les cas, il y a du temps pour les équipes qui doivent gérer ces opérations car ensuite, le ML devra entrer pour 18 mois environ dans le gigantesque VAB du Kennedy Space Center, où commencera l’année prochaine l’assemblage de la première SLS.
L’engin à chenilles s’est arrêté juste avant le site final, en haut de la pente. Crédits NASA/ Cory Huston
Cela sert aussi une fois de plus à défricher les travaux futurs, puisque non seulement lors du prochain voyage, le ML sera beaucoup plus chargé, mais en plus le congrès a demandé à la NASA d’en construire un autre pour augmenter le rythme des décollages de la future fusée super-lourde américaine dans les années 2025. Les contrats devraient être signés d’ici la fin de l’année pour la construction, qui bénéficiera grandement des enseignements des 8 dernières années. De quoi créer un cahier des charges qui colle mieux aux besoins !
Quelle vue ! Crédits NASA/Cory Huston
Le LC-17 détruit, Moon Express prend la place
Le 12 juillet a eu lieu la destruction programmée du LC-17, qui a d’abord servi comme site de lancements de missiles, avant d’être transformé pour les générations Delta 2, entre les années 80 et 2011, date du dernier décollage depuis ce pas de tir. Un élément du paysage qui disparaît, au profit de la récupération des matériaux et de la transformation de la zone en location pour des acteurs privés. En l’occurrence pour Moon Express, qui devrait bénéficier des travaux pour simuler un environnement lunaire et conduire des essais pour ses futurs atterrisseurs. Avec le regain d’intérêt de la NASA pour les missions lunaires, la petite entreprise pourrait en être l’un des premiers bénéficiaires. Entre temps, c’est une partie de l’histoire de la « Space Coast » qui s’est envolé en fumée: c’est depuis ce site qu’ont décollé Spirit et Opportunity vers Mars, mais aussi LADEE pour la Lune, Dawn pour Vesta et Ceres, et tant d’autres missions qui ont permis dans les trois dernières décennies de changer notre perception de l’exploration de notre système solaire.
Le tout dernier compte à rebours du LC-13 !
Le LC-46 accueillera le prochain test d’Orion
Même si le LC-39B sert peu, il est maintenant configuré pour la SLS. Ce qui induit que le prochain test de la capsule Orion, qui sera montée sur un booster et devra s’éjecter à Max-Q pour montrer ses capacités à échapper à une catastrophe au cours de la première phase de vol, doit se trouver un site de décollage. C’est le cas du LC-46, qui est « multi-usages » et a accueilli un lancement de Minotaur l’année dernière (ainsi qu’une démonstration de Vector Space Systems). Les pièces pour cet essai, qui ont été pré-assemblées au KSC, vont faire le trajet prochainement vers le LC-46 et être minutieusement assemblées à la verticale, avec en dernier lieu la « fausse » capsule Orion, qui sera adaptée avec un « vrai » système d’éjection d’urgence.
Le vol (et le spectacle associé) est prévu en avril 2019.
Description de l’agenda pour le test AA-2 prévu en avril prochain.
Crédits NASA
Le LC-36 toujours dans le secret
Tout au Sud du site de Cape Canaveral, loin des « bus tour » et autres activités hautement observées par les touristes et autres passionnés du spatial, Blue Origin réussit le tour de maître de garder quasiment secrètes ses activités sur le grand site du LC-36, qui comprenait auparavant deux pas de tirs, et qui a été hautement modifié ces deux dernières années. L’un des deux a été complètement supprimé et servira à un possible banc d’essai d’acceptation moteurs (le fameux BE-4 dont on entend plus parler depuis… longtemps). L’autre est toujours en plein travaux pour la structure de lancement de la grande fusée « New Glenn » que Blue Origin continue d’annoncer pour 2020 (ce qui paraît difficile à atteindre pour l’instant).
Reste que les informations sur place sont au mieux des fuites organisées, et plus généralement des clichés de communication : on en sait très peu sur le véritable avancement des travaux, et ce même si le site est un véritable trou noir économique. La raison est très simple : le patron de Blue Origin couvre les pertes, et en tant qu’homme le plus riche du monde, il a les moyens de voir venir. La « Space Coast » en attendant, se dote de riches infrastructures et bénéficie des emplois. Un duo gagnant-gagnant ?
Pour l’instant, ce sont beaucoup d’images de synthèse… Crédits Blue Origin
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Petite coquille, je pense que c'est soit LC-39A avec la Falcon Heavy, soit LC-39B avec la SLS 😉
Ouaip (corrigé)