[ULA] Atlas 5, réussite et ralentissements
C’est un étrange sentiment qui a dû assaillir les personnels de United Launch Alliance une fois que Atlas 5 avait disparu des regards, dans le ciel de nuit en Floride. Une joie bien sûr, qui sera confirmée quelques heures plus tard avec l’éjection réussie du satellite AEHF-4 en orbite. Mais une mélancolie aussi, j’imagine : mi-octobre, et c’est déjà la dernière mission de l’année à la fois pour les équipes d’Atlas 5, et pour les personnels d’ULA sur la côte Est. Et donc inévitablement quelques interrogations, malgré les très bonnes nouvelles de ces derniers jours.
Le replay du lancement… Impressionnant !
AEHF-4, réussite… Logique ?
Aucun vol n’est anodin, on le sait après avoir vu une Soyouz-FG rater son vol la semaine dernière. Selon les différentes façons de tenir les comptes, Atlas 5 est à présent le lanceur le plus fiable en activité avec 79 vols dont 78 succès francs et un seul raté partiel en 16 ans d’activité ! Les campagnes se suivent et ne se ressemblent pas. Pour le décollage du satellite de communications sécurisées de l’armée américaine AEHF-4, la fusée était lancée dans sa configuration la plus lourde : 5 boosters auxiliaires à poudre de chez Aerojet Rocketdyne entouraient l’étage central équipé du moteur russe RD-180. Une coiffe de 5m de diamètre couronnait le tout, au-dessus de l’étage supérieur Centaur, qui a permis plusieurs allumages moteurs pour une injection en orbite optimisée. S’agissant d’un atout pour la sécurité nationale (mais pas un satellite espion) la campagne de préparation a été très sobre, sans grande publicité à Cape Canaveral quand tout le monde tente d’observer les travaux chez les voisins (SpaceX et Blue Origin). Avec une météo qui a bien voulu participer aux bonnes conditions, le décollage a donc eu lieu mercredi 17 octobre à 6h15 depuis le LC-41.
Atlas 5 sur son pas de tir.
Crédits ULA
AEHF (Advanced Extremely High Frequency) est une famille de satellites qui offre des communications sécurisées et cryptées à l’administration américaine. Surtout les services les plus importants de l’armée, comme par exemple les communications entre le NORAD et les sites de lancement de missiles, ou bien les différentes unités liées à la dissuasion nucléaire. Les terminaux AEHF sont un matériel lourd, mais il s’agit d’une solution extrêmement fiable et qui a été conçue dès le départ pour transmettre des données et des appels dans des environnements difficiles (comme après une frappe nucléaire, ou une catastrophe naturelle de grande ampleur), et tout autour du monde. C’est pourquoi cette mini-constellation, qui remplace les satellites Milstar, comptera au final 6 unités. Cette semaine voyait donc la 4è arriver en orbite, la plus puissante mais aussi la mieux dotée en carburant, avec 6,17 tonnes. Les deux dernières devraient arriver en orbite d’ici l’année prochaine, avant que l’administration américaine ne commence à considérer son évolution.
Le satellite AEHF-4 lors de sa préparation.
Crédits Lockheed Martin
Le lancement en lui-même n’avait rien de particulièrement secret, et les spectateurs ont pu suivre une magnifique montée vers l’espace avec de belles vues sur les boosters, qui se sont séparés après 2 minutes de vol. L’étage central pour sa part a continué son action jusqu’à T+4m30s, au cours desquelles la coiffe s’est elle aussi séparée de l’ensemble. Il ne restait plus ensuite que l’étage supérieur cryogénique Centaur, qui a été allumé trois fois. Une première pour emmener AEHF-4 en orbite basse, une seconde pour avoir une trajectoire de transfert vers l’orbite géostationnaire, et une troisième 3h plus tard (T+3h28) à l’apogée pour que le satellite puisse bénéficier d’une réserve importante de carburant. Le satellite a été ensuite éjecté avec succès sur une orbite de 8914 x 35299 km d’altitude (12.8°), lui garantissant une durée de vie d’au moins 15 ans.
Et décollage !
Crédits ULA
Atlas-5 est une référence effacée
C’était la 5è mission d’une Atlas 5 cette année… Et la dernière. En effet, on rentre dans la période pour laquelle SpaceX a pu commencer à postuler pour des vols liés à la défense nationale avec Falcon 9, ce qui signifie aussi qu’United Launch Alliance a théoriquement moins de missions à préparer pour son client habituel. 2018 est un très bon exemple, puisque la mission de fin d’année avec le premier satellite de la génération GPS 3 serait typiquement tombé dans l’escarcelle d’une Atlas 5 si SpaceX n’avait pas été sur les rangs. Autre raison pour laquelle on ne reverra pas Atlas 5 avant le mois de mars/avril (si tout va bien) c’est que le lanceur est utilisé pour le programme Commercial Crew. Une aubaine pour ULA, mais une épine dans le pied lorsque la capsule souffre de délais comme actuellement : le lanceur est spécialement préparé pour cette mission, l’étage supérieur Centaur à deux moteurs ne peut pas être utilisé pour autre chose, et du coup la production comme l’organisation des missions en pâtissent.
Pour ne rien aider, on en a parlé lors du dernier tir, les boosters auxiliaires d’Atlas 5 vont changer à partir de l’année prochaine, et ceux de Northrop Grumman (NGIS) vont remplacer ceux d’Aerojet Rocketdyne. Une évolution majeure qui comporte quelques risques et qu’il faudra suivre avec attention, à partir du premier vol équipé au mois de juin. Atlas 5, qui a souffert ces dernières années de son statut de « parfaite fusée américaine avec un moteur russe », sera pourtant largement utilisée jusqu’à ce que Vulcan prenne sa place, transition qui devrait s’étaler jusqu’après 2022.
La fusée sur son pas de tir vue… Par satellite !
Crédits DigitalGlobe
De plus en plus d’efforts pour Vulcan!
Et pour de bonnes raisons… Dans le contrat d’attribution de l’US Air Force au développement de lanceurs américains pour les futurs besoins de la défense nationale, le programme Vulcan est celui qui a tiré le « gros lot », avec presque un milliard de dollars de dotations (967 millions) ! Reste que discrètement, on ne parle plus de 2020 pour la « première » du lanceur qui remplacera à la fois les générations Delta IV (sauf la Heavy qui sera prolongée un peu) et Atlas 5. Un retard finalement logique, on l’évoquait déjà dans les derniers articles sur la sélection du nouveau moteur qui sera finalement le BE-4 de Blue Origin. Avec un milliard de dollars pourtant, pas de doute, on verra bien le lanceur sur son pas de tir… A l’Est, mais aussi à Vandenberg en Californie : les lancements dédiés à la défense ont régulièrement besoin de l’inclinaison Nord-Sud proposée par le site. La trésorerie du groupe, que certains bruits de couloir donnaient très tendue (l’hypothèse d’une vente des parts par Boeing ou Lockheed était en l’air au printemps) prend aussi ses aises avec ce nouvel apport qui sera distribué entre 2018 et 2024.
A noter que le dernier décollage possible cette année pour ULA sera également à Vandenberg, puisqu’il s’agit d’une Delta IV Heavy, avec NROL-71, actuellement prévu pour le 29 novembre.
L’évolution des lanceurs Atlas. La génération actuelle est bel et bien une transition…
Crédits ULA
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La vue satellite de la plateforme de tir est coool