[NASA] InSight se pose sur Mars !
Depuis son départ le 5 mai, la sonde InSight a parcouru plus de 146 millions de kilomètres, pour finalement viser avec une précision raffinée une zone d’atterrissage en ellipse sur Elysium Planitia, près de l’équateur martien et quelques 200 kilomètres au Nord du robot Curiosity et de son cratère de Gale. Au final, tout s’est joué en quelques 6 minutes et 45 secondes le temps de traverser l’atmosphère de Mars et de se poser sans encombre. InSight fera encore face à de très nombreux défis, mais se poser sur Mars était sans doute le plus difficile à passer et ce succès marque une étape cruciale pour la mission : comprendre l’intérieur de la Planète Rouge. Pour le coup j’ai fait partie de l’équipe invitée par le CNES pour commenter l’atterrissage avec Vincent (astrovicnet/Stardust) et une ribambelle de Spacegeeks dont Alice, Pauline et Isabelle qui ont géré les réseaux sociaux et plusieurs experts du CNES pour expliquer les tenants et aboutissants de la mission (et aussi Tania Louis, et Erwin Dehouck de l’ENS). On s’est beaucoup amusés et voici le live de l’arrivée d’InSight :
Une croisière tranquille
Depuis son décollage, le premier à rejoindre Mars depuis la côte Ouest des Etats-Unis, InSight n’a pas connu beaucoup d’activité. Oh bien entendu, la sonde est restée en contact avec les stations au sol du « Deep Space Network », et son dispositif de voyage et de contrôle a réalisé six manoeuvres pour corriger la trajectoire de la sonde et s’orienter précisément en vue de l’atterrissage : la sonde était initialement volontairement non alignée pour que l’étage supérieur Centaur ne risque pas d’impacter Mars, mais aussi pour que si elle tombait en panne, elle ne pose aucun risque de contamination, même mineur, sur la planète rouge. Des corrections mineures, dont la dernière était presque non nécessaire : selon les estimations données dimanche 25 novembre, la trajectoire amenait InSight à 11 km du centre de son ellipse. Pour le reste, tous les éléments internes, dont l’atterrisseur, protégé par une coque (attachée aux parachutes) sur l’arrière et d’un bouclier thermique sur l’avant, ont pu être allumés et testés avec succès lors du voyage. De quoi s’assurer que les vibrations au décollage n’ont rien endommagé, et que les systèmes sont parés pour l’atterrissage. Le dispositif de voyage et de contrôle, équipé de panneaux solaires, d’une antenne et de quoi modifier la trajectoire, est largué uniquement à 7 minutes d’entrée dans l’atmosphère martienne. Sa mission aura donc été un franc succès.
Au JPL, quelques secondes après l’annonce « Touchdown confirmed »! Place à la joie et à l’émotion. Crédits NASA
Avec InSight au décollage, il y avait aussi les deux premiers CubeSats interplanétaires, les MarCo-A et B. Malgré un petit souci de propulsion avec MarCO-B, ces derniers qui sont avant tout des prototypes ont pu prendre des photos de la Terre et de Mars au cours de leur voyage, mais aussi envoyer et recevoir des commandes, ce qui validait déjà dans un premier temps que oui, c’est possible: les CubeSats peuvent avoir un rôle hors de l’orbite basse terrestre, sur des missions « longues ». Leur rôle expérimental était de capter les signaux envoyés par InSight lors de sa traversée de l’atmosphère et de sa phase critique de poser pour les transmettre vers la Terre. S’il est encore un peu trop tôt pour affirmer que les MarCO ont fonctionné tous les deux à la perfection, on peut déjà confirmer qu’ils ont rempli leur rôle de façon exemplaire, renvoyant les données précises d’InSight au cours de sa descente. Même si à présent, ils vont dériver sur une orbite héliocentrique pour des dizaines de milliers d’années, n’en doutez pas, vous verrez d’autres CubeSats interplanétaires !
La dernière, ou en tout cas l’une des dernières images des MarCO, prises après l’atterrissage et donc après la réussite de leur courte mais déterminante mission. Crédits NASA/JPL-Caltech
Le 10è atterrissage réussi sur Mars !
Seules 7 missions, toutes américaines, avaient réussi avant ce soir, à se poser et à réussir leur mission à la surface de Mars : Viking 1 et 2, Mars Pathfinder (et son robot Sojourner), Spirit, Opportunity, Phoenix et Curiosity… Mais alors, pourquoi je parle du 10è atterrissage ? Eh bien sachez que deux missions s’étaient déjà posées sans toutefois réussir leur mission ou pouvoir transmettre de données ensuite. C’est le cas de la mission soviétique Mars 3 en 1971 (14 secondes de transmissions illisibles) mais aussi de l’atterrisseur Beagle 2 en 2003, qui a étendu 2 des 4 « pétales » de sa structure déployable… Malheureusement, l’antenne principale de communication était tout en dessous. Atterrir sur Mars est un exercice difficile : 7 essais s’y sont définitivement cassé les dents entre 1961 et 2016, dont le dernier, l’atterrisseur européen Schiaparelli, a fait l’objet de plusieurs articles sur ce blog. Il faut dire que pour atteindre la surface, il faut un véhicule qui soit totalement automatisé, pour une raison très simple: le temps que la première mesure d’entrée dans l’atmosphère met à atteindre la Terre (8 minutes), la sonde s’est déjà posée (6 minutes 45). Inutile donc d’essayer de piloter quoi que ce soit. Ensuite, l’autre difficulté réside dans cette fameuse atmosphère martienne. Suffisamment dense pour que la friction créé un échauffement qui atteint 1500 degrés Celsius sur les parois (et donc nécessite un bouclier thermique), mais pas assez dense pour freiner efficacement les vaisseaux qui voudraient atterrir : malgré d’énormes parachutes qui s’ouvrent à plus de 1500 km/h, ils ne permettent pas de freiner sous les 200 km/h. Or ce n’est pas la vitesse à laquelle vous voulez vous poser. Pour Insight on a donc rajouté des rétrofusées qui s’allument à environ 1km d’altitude et qui vont stabiliser et freiner une dernière fois l’atterrisseur pour qu’il arrive sur la surface à environ 8 km/h.
Et avant même que les poussières ne retombent, on était donc au courant que l’atterrissage était parfait. Notez à droite un pied de l’atterrisseur, et au centre une belle petite roche martienne.
Pour InSight, ce lundi 26 septembre la séquence (incluant les 8 minutes de décalage) était donc :
- 17h45 : Derniers paramètres envoyés à la sonde
- 20h40: Séparation de l’étage de croisière
- 20h41 : Orientation de la sonde « bouclier vers l’avant »
- 20h45: Début du flux de données issu d’InSight avant la rentrée atmosphérique
- 20h47: Rentrée atmosphérique
- 20h48: Pic de chaleur sur le bouclier thermique
- 20h49: Pic de décélération atmosphérique
- 20h50: Déploiement du parachute
- 20h50+30 secondes : Ejection du bouclier thermique
- 20h50+50 secondes : Extension des 3 « pieds » d’InSight.
- 20h51 : Séquence d’allumage radar
- 20h53 : Libération d’InSight (la coque de protection reste attachée au parachute et décroche l’atterrisseur)
- 20h53 + 1 seconde : Allumage des rétrofusées
- 20h53 + 4 secondes : Orientation de l’atterrisseur InSight
- 20h53-54 : Poser de la sonde au sol
A partir de là, comme la sonde continue d’émettre au sol, même sans récupérer les données on obtient une information de choix : InSight s’est posée avec succès ! Bien entendu au fur et à mesure des minutes qui passent, l’atterrisseur transmet de plus en plus d’informations télémétriques, puis la première image qu’il a pris en atterrissant, alors que les poussières soulevées par ses rétrofusées ne sont pas encore retombées. 20 minutes plus tard, ce sont ses deux panneaux solaires qui s’étendent.
Cette nuit, sur Elysium Planitia… Cette fois, la sonde est sur Mars ! On voit le sismomètre français SEIS à gauche, et le bras robotisé IDA à droite. Au centre, il y a (accroché au cable) le système de crochet qui va permettre de tout déployer sur la surface. Crédits NASA
Le programme à venir
InSight devrait rester active sur Mars durant environ 2 années terrestres (soit grosso-modo une année martienne), ce qui représentera une masse colossale de données à transmettre vers la Terre avec le classique avertissement : plus la mission reste active longtemps, plus ses données seront valides et répétées. Par exemple si HP3, qui va collecter des données fondamentales pour savoir à quelles températures évolue le coeur de Mars, détecte une variation saisonnière, alors ce sera encore plus clair si elle peut collecter et transmettre ses point de mesure durant 2 années martiennes au lieu d’une ! De la même façon s’il y a des variations en fonction des éruptions solaires, ou bien en fonction des cycles de Jupiter, etc. Gardez toujours ça en tête, prolonger une mission est toujours intéressant parce qu’il peut y avoir des paramètres externes qui induisent des variations de données auxquelles on avait pas pensé (comme par exemple une activité volcanique souterraine, on peut rêver).
Dans un premier temps toutefois, les équipes vont d’abord observer tout autour d’InSight pour bien identifier à quel endroit ils vont pouvoir déployer les deux instruments à poser par terre, à savoir SEIS et HP3. Au besoin, ils pourront se servir très prudemment du bras robotisé qui est équipé d’un petit godet pour enlever ou pousser une ou deux pierres qui empêcheraient d’avoir les instruments bien droits. La phase de préparation va durer 6 semaines jusqu’à Noël environ, avant que le bras puisse poser SEIS d’abord, puis la coupole de protection qui va dessus et qui le protégera du vent et du sable. Ensuite viendra la phase très importante de la « recette », qui est le terme français pour dire qu’on qualifie l’instrument une dernière fois avant qu’il soit en opération : ce sont les premières mesures, les réglages, les compensations dans les données, l’évaluation des performances par rapport à ce qui était attendu, etc. La recette va durer donc jusqu’à mi-avril, celle de l’instrument HP3 durera sans doute un poil plus longtemps… Et les premières publications devraient, si tout se passe bien, arriver pour la fin de l’été dans les plus grands journaux scientifiques que sont Nature, Science, Journal of Astrophysics etc.
Vue d’artiste d’InSight sur la plaine martienne. Ce matin on a reçu confirmation, les deux panneaux solaires se sont correctement déployés. Crédits NASA
Enfin, il serait particulièrement « fun » qu’InSight puisse survivre jusqu’en janvier 2021 et capter sur la surface l’atterrissage de « Mars 2020 », le successeur de Curiosity, à quelques 500 km de là. Les équipes espèrent le « pousser » jusqu’à une seconde année martienne…
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