[SpaceX] L’Ogre retient son souffle
Certains d’entre vous allaient finir par croire que je boudais l’entreprise californienne, mais il se trouve que SpaceX n’a pas réalisé de nouvelles missions depuis plus d’un mois. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a aucune actualité, loin de là. Il se trouve que l’entreprise fondée par Elon Musk arrive à un tournant important, engagé cette année avec l’introduction de la nouvelle version du lanceur Falcon 9. Et qu’elle tente en même temps de négocier les prochains virages bien plus ambitieux, ceux de la BFR et de la constellation de communication Starlink.
Après 8 ans de service (et presque autant d’évolutions, comme on a pu en parler au début de l’année), SpaceX a obtenu pour sa Falcon 9 une certification attendue de longue date, et de la part de la NASA. Il faut en effet revenir un peu en arrière : l’agence spatiale américaine organise les lanceurs qui souhaitent être partenaires en trois catégories distinctes. La première, dédiée aux fusées qui n’ont pas ou peu été testée, revient à leur donner d’éventuels petits contrats, éventuellement d’essayer de placer des CubeSats de son programme de partenariat, ou d’acheter un vol complet via les lancements de classe « Venture ». C’est ce que la NASA fait avec LauncherOne ou Electron actuellement par exemple. Une fois qu’un lanceur a prouvé une fiabilité minimale, l’agence l’avance en catégorie 2. Il peut alors concourir aux appels d’offre pour des missions intermédiaires : des objectifs scientifiques d’intérêt pour la NASA, des démonstrations technologiques, et même des missions « planétaires » limitées. C’était jusqu’ici le cas de SpaceX, qui aura lancé JASON-3, puis DISCOVR (NASA/NOAA) en 2015, et TESS en 2018.
A présent, avec la fiabilité éprouvée de Falcon 9, l’entreprise basée à Hawthorne pourra postuler pour les missions à haut profils scientifiques, dont certaines sont déjà à l’étude mais n’ont pas encore de lanceur, notamment Lucy et Psyche (qui iront visiter des astéroïdes dans la prochaine décennie), ainsi que celles qui ne sont pas encore tout à fait confirmées comme AIM (Asteroïd Impact Mission)… Et bien sûr les missions robotisées vers la Lune, si les plans actuels se concrétisent.
A noter que les projets qui incluent un petit module radioactif RTG sont encore dans une catégorie « supérieure » qui ne fait pas l’objet d’une certification mais d’une étude au cas par cas. Actuellement aux USA, seule Atlas 5 a cette autorisation.
C’est vrai qu’avec les délais rajoutés cette année, on aurait tendance à penser que les vols des nouvelles capsules CST-100 « Starliner » de Boeing et Crew Dragon de SpaceX sont repoussés aux calendes grecques. Toutefois pour ce qui est du premier essai en orbite, il semble maintenant acquis que SpaceX aura suffisamment avancé pour préparer le vol dès cet hiver. Différentes dates circulent déjà et à priori, le calendrier tient toujours pour le mois de janvier ! Ce test sera important à plusieurs égards. Déjà, il aura (même s’il y avait un doute sur la question l’an dernier) lieu depuis le LC-39A au Kennedy Space Center, qui sera ensuite utilisé par les astronautes. Ensuite, parce que la NASA va observer ce test au plus près et pouvoir directement analyser les données issues du vol, ce qui a bien plus de poids que celles issues des simulations. Enfin parce que la mission est représentative: dans ces nouvelles capsules, les astronautes ne sont pas vraiment des pilotes, mais plutôt des passagers… Un essai réussi laisserait donc la porte grande ouverte pour valider un essai habité au printemps.
A noter que le site du LC-39A aura, en plus des installations pour les vols habités, peut-être subi un « relooking » d’ici ce tir puisque SpaceX envisage bien de recouvrir la grande tour d’accès pour l’habiller et faire vraiment ressembler le pas de tir à quelque chose de plus futuriste. Une amélioration qui n’a sans doute pas la priorité : c’est cosmétique.
C’est un tweet d’Elon Musk qui a, comme d’habitude, posé beaucoup de questions. « Le 2è étage de Falcon 9 sera modifié pour ressembler à une Mini-BFR ». Il y avait plusieurs moyens de l’interpréter, mais il aurait pour cela fallu se souvenir d’une autre déclaration un peu à l’emporte pièce du patron de SpaceX au printemps dernier, annonçant des essais futurs d’une version du 2è étage de Falcon 9, d’abord tracée au cours de sa rentrée atmosphérique (et équipée de capteurs) puis éventuellement récupérée. La « mini-BFR » pourrait donc être un simple étage de Falcon 9 « classique » sur lequel sont testés différentes technologies directement liées au futur vaisseau géant de l’entreprise.
S’il est toujours difficile de croire que ce dernier verra bien le jour dans les prochaines années, on peut relever que les travaux sur le site de Boca Chica, à la frontière entre le Texas et le Mexique, ont bel et bien lieu en ce moment. Les fans et autres observateurs ont entre autres repéré l’arrivée sur place d’un second énorme réservoir destiné à stocker du méthane, l’un des deux carburants des moteurs Raptor qui équiperont BFR. Pour le reste, l’entreprise est restée silencieuse depuis l’annonce de Yusaku Maezawa et de son voyage lunaire sur BFR… Même si plusieurs échos indiquent que les travaux préparatoires continuent.
C’est LE gros point d’interrogation. Starlink, la constellation de SpaceX pour connecter le monde à internet, concurrencer les grands opérateurs américains et générer suffisamment de revenus pour assurer un développement exponentiel de l’entreprise spatiale… Déjà que les spécialistes n’arrivent pas à se mettre d’accord pour savoir si les prototypes ont marché ou pas, ou fonctionnent encore, ou ont dû être reprogrammés, etc, il y a un vrai flou sur le projet. Un article de Reuters sorti récemment indique quand même qu’il y a eu un gros coup de balai à l’américaine il y a quelques mois : E. Musk, en visite, vire plusieurs responsables après quelques heures de visites. Rythme effréné, choix technologiques, on n’en saura pas plus pour l’instant, tout ça est cadenassé… Mais pas tant que ça sur les informations extérieures. Par exemple, le financement : impossible pour SpaceX de mettre en place une telle constellation de plusieurs milliers d’unités sans disposer au préalable de plusieurs centaines de millions de dollars… Ce qui est corrélé par une demande de prêt de 750 millions déposée il y a quelques jours, ce qui viendrait s’ajouter à une augmentation de capital de 500 millions au début de l’automne.
Autre information, grâce à un formulaire (ils sont publics) de la FCC américaine, on sait que SpaceX a demandé à l’organisme de contrôle des communications et des fréquences d’utiliser des orbites plus basses à seulement 550 km d’altitude.
Ce qui est certain, Starlink ou pas, c’est que SpaceX va consommer, dans les prochains mois et années, un extraordinaire montant de devises, dont le résultat ne sera de toutes façons pas immédiat. Reste à savoir si l’entreprise a suffisamment conquis la confiance de ses prêteurs pour pouvoir avancer en toute sécurité. On l’oublie facilement, mais le spatial est un domaine qui ne pardonne rien, et où chaque erreur se paie durant des années… Avec une aura positive pour l’instant grâce à des records de cadences et une excellente fiabilité de sa Falcon 9, SpaceX peut se permettre ces nouveautés et ces prêts : c’est le bon moment. Mais au moindre faux pas (qui sera amplifié à l’envi étant donné les ambitions), toutes les fondations seront ébranlées.
Ne reste qu’une solution pour l’entreprise d’Elon Musk. La même que d’habitude… Foncer.
Excellent article, comme d'hab
Mais le titre contient une faute de frappe, souffle pas souffe
Yes, sorry !
J'avais essayé de suivre un peu la "mini bfs" avec les post twitter, mais pas tout compris. Alors qu'en fait il n'y avait pas grand chose à comprendre apparemment ^^
On verra dans 8-9 mois (bon disons 11-12)