[SpaceX] Début d’année, fin de contrat !
Huit lancements, 2 ans, 75 satellites. Le contrat de déploiement de la flotte de satellites Iridium Next aura été emblématique de ces deux dernières années pour SpaceX, démarrant avec le premier tir de 2017 et se terminant avec le premier tir de 2019. Pour le 39è succès d’affilée de Falcon 9, l’entreprise la faisait décoller à « domicile » depuis Vandenberg, situé à quelques dizaines de kilomètres de Hawnthorne, l’usine principale de SpaceX en banlieue de Los Angeles. Un début réussi pour une année de tous les défis : l’entreprise d’Elon Musk fait face à des échéances techniques et économiques majeures cette année… Et construit dans le même temps un premier prototype de sa « Starship » au Texas, à quelques milliers de kilomètres de là. Alors qu’on apprend ce matin qu’en « bonus », l’entreprise va se séparer de 10% de ses employés, le tout à l’américaine, avec un simple package d’accompagnement et un « pas besoin de venir bosser lundi ». Dur…
Décollage de Falcon 9… Un régal pour les photographes, quand il n’y a pas de brouillard ! Crédits SpaceX
Un vol modèle pour Falcon 9
Même si on entend beaucoup parler de SpaceX pour ses différentes ruptures dans les domaines des coûts de lancements, de la réutilisation ou du futur des vols habités, il n’en reste pas moins que c’est une entreprise qui a besoin de montrer sa stabilité, comme tous les fournisseurs de services d’accès à l’orbite. Donc un vol « normal », c’est un exercice recherché et très apprécié pour tous les employés de l’entreprise, qui plus est lorsque c’est le 39è d’affilée pour ce même lanceur, et le premier de l’année (dans ce domaine très superstitieux, personne ne veut « mal démarrer »). Ce lancement avait été retardé pour plusieurs raisons, déjà jusqu’au mois de décembre à cause des livraisons de satellites, puis de décembre à janvier le temps de régler quelques interrogations techniques sur le second étage. Après le traditionnel test de mise à feu statique au début du mois, le décollage a donc eu lieu le 11 janvier à 16h31 (Paris) depuis Vandenberg, dans un nouveau jour sans brouillard (incroyable). 2 minutes et 30 secondes plus tard, le premier étage était éjecté après avoir terminé son action la plus importante, et démarrait son retour vers la Terre, tandis que l’étage supérieur allumait son unique moteur Merlin 1D-Vac et accélérait vers l’orbite basse. L’opération, comme pour les autres satellites Iridium, s’est déroulée en deux temps. D’abord, une orbite basse intermédiaire à environ 200 x 650 km d’altitude, puis un second allumage du moteur, de quelques secondes à peine, pour circulariser l’orbite à environ 650 kilomètres d’altitude. Les 10 satellites sont ensuite éjectés un par un, à plus d’une minute d’écart, avant que la campagne ne soit déclarée un succès ! Bien sûr en coulisses, il reste encore du travail : désorbiter le second étage pour SpaceX histoire de ne pas encombrer l’orbite avec un débris supplémentaire, et activer un par un les satellites pour Iridium. Une fois qu’ils sont certifiés « en pleine forme », les unités rehaussent leur orbite à 666 km d’altitude pour rejoindre d’abord la flotte de remplacement Iridium, puis à 780 kilomètres d’altitude pour rejoindre, un par un, la constellation aujourd’hui complète.
Une matinée réussie pour les équipes. Crédits SpaceX
Le travail serait incomplet sans mentionner le sort du booster du premier étage, qui était déjà réutilisé (il avait volé en septembre 2018 depuis Cape Canaveral) et qui a atterri avec succès sur la barge « Just Read The Instructions » stationnée au large dans le Pacifique. Un retour très observé après le plus ou moins échec du retour du booster lors du vol CRS-16 en décembre dernier, au cours duquel une grille de stabilisation bloquée avait compromis l’atterrissage de l’étage. Cette fois, le booster est attendu d’ici la fin du weekend au Port de Los Angeles, où il sera déchargé et peut-être préparé pour son prochain vol, SpaceX ayant une large flotte de boosters déjà utilisés comme on en parlait le mois dernier.
Comme les fois précédentes, on a pu voir une partie des éjections en « live ». Crédits SpaceX
Les vols iridiums sont terminés
En tout cas pour le remplacement complet de la constellation Iridium, c’est terminé ! Ce contrat, qui était l’un des plus impressionnants de SpaceX en nombre de vols mais aussi de satellites (7 x 10 + 5 avec le lancement de Grace-FO), aura tenu sa promesse. Même si finalement, il était en retard (quel projet spatial ne l’est pas, au fil du temps) puisque le déploiement devait démarrer à l’origine mi-2016. Le premier vol a eu six mois de retard, puis il fallut quelques temps pour avoir un retour d’expérience avec les nouveaux satellites corriger ce qu’il fallait du point de vue logiciel et intégrer quelques améliorations avec les industriels (Thales Alenia Space, avec le sous-traitant dédié, Orbital-ATK devenu plus tard Northrop Grumman Innovation Services). Et en 2017, le calendrier de SpaceX n’était pas compatible avec un déploiement à l’heure… Mais c’était sans compter sur les bénéfices, attendus de longue date, de la réutilisation des lanceurs. Heureusement, il n’y a jamais eu de problème avec les lanceurs réutilisés et Matt Desch, le PDG d’Iridium, a donc pu négocier avec SpaceX pour obtenir des places prioritaires sur d’autres vols en signant pour des lanceurs aux boosters déjà éprouvés. Un pari gagnant au final, même si le déploiement qui devait durer 18 mois sera un peu plus long que prévu (24). Les résultats opérationnels pour Iridium sont au vert et puisque les futures grandes constellations de communication ne sont pas encore lancées ni au stade de prototypes pour certaines, l’entreprise peut être tranquille pour ses services signés avec des clients de longue date. Référence dans le domaine de la téléphonie d’urgence partout dans le monde et en cas de catastrophes, Iridium a aussi trouvé de nouveaux partenariats pour des faibles débits de données,
Pour SpaceX, c’est aussi une phase qui s’achève à Vandenberg, qui contrairement à ce que l’on peut penser, n’accueillera pas moins de lancements en 2019 : c’est l’année des radars ! Outre SAOCOM-1B il y a deux lancements au service de l’Allemagne avec sa petite constellation SARah, et du Canada avec Radarsat. D’autre part, il est possible que SpaceX continue d’améliorer le site pour de hautes cadences, parce que si un jour la constellation Starlink de communication arrive jusqu’au stade du déploiement, c’est bien de Californie que les centaines de satellites seront lancés. A suivre en 2019, ce sera l’un des sujets les plus « chauds » de l’année.
Autre sujet chaud cette année… Crédits E. Musk
Le Starship hopper intrigue mais…
A Boca Chica au Texas, ce qui ressemblait à la construction d’un réservoir d’eau en acier s’est transformé en décembre et sous les yeux des photos « volées » du public en un prototype grande taille d’une navette Starship, le nouveau nom du vaisseau BFR… Mais fabriqué avec des moyens dignes de la finesse du BTP, à savoir des soudures réalisées en extérieur, de gros tubes en acier et des plaques fixées dessus pour lui donner une « gueule » de véritable fusée de tintin, en moins bien terminée. Ce « Starship Hopper », qui est ou sera équipé de trois moteurs Raptor, est apparemment conçu pour réaliser des tests d’allumages multiples de ses moteurs, ainsi que des « sauts » jusqu’en suborbital pour tester… Euh, on ne sait pas trop quoi. Car finalement, autant le Grasshopper se justifiait en 2011 par le fait que SpaceX n’avait pas vraiment de données sur les rentrées atmosphériques, qu’il leur fallait des logiciels de pilotage et de contrôle ainsi que de fiabilité sur le pilotage des moteurs, autant en 2018 ils ont toute l’expérience du monde en la matière. Enfin, peut-être qu’il faut à nouveau montrer au public que oui, ils savent faire rentrer un (gros) étage et le faire se poser précisément. Plus probablement, il s’agit d’une opération qui flirte dangereusement entre la technique et la com, afin d’attirer les investisseurs sur le projet Starship, après l’emprunt l’année dernière de plus d’un milliard pour financer les divers projets de recherche de SpaceX. Dangereusement, oui, car si cet assemblage doit voler, ça promet d’être rock’n roll… Mais au moins, nous aurons du spectacle ! Affaire à suivre.
C’est sûr, c’est moderne, c’est XXIè siècle… Mais faudrait que ça vole ! Crédits SpaceX
Pour le reste, cette construction et les tweets du patron font un peu cache-misère des travaux qui piétinent au Kennedy Space Center : la Crew Dragon n’est toujours pas partie pour l’ISS, la faute en grande partie au shutdown du gouvernement américain (faute d’accord politique entre le Congrès et la Maison Blanche, plus aucun employé administratif n’est payé, même si certains sont obligés d’aller bosser). On ne parle pas vraiment non plus de la baisse de cadence attendue cette année (il n’y a par exemple aucun autre décollage de SpaceX en janvier) ou le fait qu’un an après, le second vol de la Falcon Heavy n’est pas prioritaire. Starlink n’est pas prête, la BFR repose sur un « nouvel alliage » d’acier et la récupération des coiffes ne fonctionne toujours pas (vous aurez remarqué qu’il n’y a même pas eu de tentative lors du vol de cette semaine). Ce ne sont pas les challenges qui manquent, même si l’avance technique sur les concurrents est toujours phénoménale : pas de récupération ou de réutilisation au point chez les concurrents, Boeing qui semble plus en retard sur sa capsule, etc.
Ah… Ah ben non oups.
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