[ISS] Avant les grands changements
Nul doute que ce weekend sur l’ISS, l’activité a dû paraître calme. Oh pas pour les expériences scientifiques bien sûr, qui vont bon train, ou bien pour l’entretien de la station qui ne s’arrête jamais… D’ailleurs vous ne le savez peut-être pas mais en démontant les toilettes dans le module Tranquility la semaine dernière, ce sont 22 litres d’eau qui se sont échappés d’une canalisation ouverte, laissant les astronautes presque à court de serviettes utilisées pour éponger tout ça. Non, si la station est calme, c’est qu’il ne reste actuellement que deux véhicules amarrés, les deux du côté russe : Progress MS-10 et Soyouz MS-11.
Prise lors d’une mission précédente, l’une des 16 arrivée en « zone de jour » de l’ISS. Toujours aussi scénique… Crédits NASA/Scott Tingle
600 jours et des impacts
Oleg Kononenko, Anne McClain et David Saint-Jacques en seront bientôt à deux mois tout seuls au sein de l’ISS. C’est inhabituel, bien sûr, et on l’imagine facilement, cela peut-être usant. Car à trois on est moins performants qu’à six, il y a moins de temps pour réaliser les tâches pourtant essentielles que ce soit sur le plan scientifique ou manutentionnaire. En tout cas, personne n’ira cependant les accuser de ne pas travailler assez: ces dernières semaines ils ont supervisé le chargement puis le départ de Progress MS-09 ainsi que de la capsule Dragon CRS-16 et du cargo Cygnus NG-10 (voir plus bas). Beaucoup de logistique, qui va heureusement laisser place à un peu plus de science dans les jours à venir : il leur reste encore un mois avant de voir d’autres humains, le lancement de Soyouz MS-12 n’étant plus prévu avant le 14 mars 2019 ! Peut-être Anne et David ont-ils adressé vendredi dernier leurs félicitations à Oleg Kononenko, qui entrait dans le cercle très fermé des astronautes et cosmonautes à avoir passé plus de 600 jours en orbite terrestre (l’actuel commandant de l’ISS en est à sa 4è rotation de longue durée). Les recordmans ne sont en général pas très diserts à ce sujet, mais ce sont de vraies performances à saluer… D’autant qu’avec un retour prévu le 25 juin, Oleg pourra largement passer à la centaine supérieure !
Anne, Oleg et David tiennent le coup et suivent le (long) programme d’expériences prévu pour eux par les équipes au sol. Crédits NASA
Il y a 11 ans, l’équipage de la navette Atlantis sur STS-122 était en cours d’installation du module européen Columbus. Une arrivée en février 2008 après plus de 20 ans entre les premiers concepts et la réalisation d’un laboratoire européen en orbite. Depuis, Columbus fait partie de la vie de l’équipage qu’il y ait ou non un astronaute européen à bord, tout comme le module japonais Kibo situé juste en face. Et figurez-vous qu’à l’automne dernier, sur demande de la section « défense planétaire » de l’ESA, le bras robotisé est allé mitrailler de photos le flanc de Columbus le plus exposé aux débris orbitaux et aux micro-météorites. Souvenez-vous bien que le module européen est « à l’avant » de la station internationale, il est donc bien plus exposé que d’autres et embarque du coup un blindage adéquat pour faire face à la menace… N’empêche, les équipes de l’ESA ont constaté plusieurs centaines d’impacts sur la couche externe, d’un diamètre moyen d’environ 1mm. Impossible bien sûr d’identifier leur provenance pour l’instant, entre les poussières de météorites qui sont en orbite basse et les reliquats de débris de collisions présents à cette altitude… Reste que ce premier « scan » des flancs de Columbus rassure autant qu’il inquiète : jamais son intégrité physique n’a été menacé, et il est prévu qu’il soit capable d’absorber un choc supérieur à 1 cm de diamètre avant rupture, il y a donc de la marge. Les impacts vont être catégorisés et observés de près, et d’ici quelques années une nouvelle campagne d’observation aura lieu pour mieux comprendre l’évolution de ce « micro-bombardement » de la précieuse ISS !
Arrivée du module Columbus sur l’ISS le… 11 février 2008. Crédits ESA/NASA.
Le SS « John Young » n’est plus sur l’ISS
Il fêtera dans quelques jours ses trois mois en orbite terrestre : le cargo NG-10 de NGIS (Northrop Grumman Innovation Services, ex Orbital-ATK) a décollé le 17 novembre 2018 pour aller ravitailler l’ISS avec 3.3 tonnes de chargement, dont près d’une tonne de cargaison scientifique pour les différentes expériences en cours et à venir au sein de la station internationale. Sa mission remplie, il est resté plus de deux mois accroché au module Unity. Dans les dernières semaines de janvier, l’équipage en a profité pour charger presque 2,5 tonnes de matériel non nécessaire, les ordures, le vieux linge, quelques expériences passées ou des emballages. Bref, du matériel qui ne manquera à personne dans la station. Et le 8 février, après avoir été décroché du module Unity par le bras robotisé (opération réalisée uniquement grâce aux équipes au sol) il a été détaché de la station quelques heures plus tard. Toutefois contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, NGIS ne l’a pas fait immédiatement rentrer dans l’atmosphère. En effet, grâce à ses capacités de manoeuvre, le cargo Cygnus est manoeuvrable pendant plusieurs mois. Il a donc pris de l’altitude, pour se positionner presque 100 kilomètres plus haut que l’ISS, afin de larguer deux CubeSats, CHEFsat qui teste un nouveau transpondeur, et MySat-1, mis en oeuvre par le programme spatial des Emirats Arabes Unis. Le largage a normalement eu lieu ce weekend.
Le cargo Cygnus NG-10. Une « petite » merveille d’électronique et de technique au service de l’ISS (ici lors de son arrivée je crois). Crédits NASA
Alors, sa mission est terminée, Cygnus NG-10 va rentrer dans l’atmosphère ? Oui, et c’est prévu autour du 25 février. Mais avant, il lui reste une toute dernière mission à réussir, un dernier largage de petit satellite, nommé KickSat-2. Et cette opération qui, j’en suis surpris n’a pas fait beaucoup parler d’elle, vise à larguer elle-même, une centaine de minuscules satellites de 3,5 cm de diamètre chacun. Ces derniers, plus petit que des nano-satellites sont logiquement appelés des femtosatellites, et vous l’avez compris avec leur diamètre, ils seront difficile à suivre et vont logiquement poser beaucoup de questions dans la communauté. On peut bien sûr imaginer que s’ils fonctionnent correctement, le concept pourra intéresser les constructeurs de petits satellites comme les entreprises qui préparent des constellations. 100 satellites équipés chacun d’antennes de quelques centimètres ont en effet plus de chance de capter un signal et de le renvoyer qu’un seul satellite de 10 cm de côté. Mais pour quel taux de pertes, quelle fiabilité? Et quelle durée de vie ? Largués à un peu plus de 300 km d’altitude, ces 100 « femtosats » rentreront rapidement dans l’atmosphère et ne poseront pas de risques majeurs de sécurité. Jusqu’à ce que quelqu’un décide d’en envoyer d’autres à 500 ou 600 km d’altitude…
Voici à quoi ressemblait la salle des opérations ISS à Houston, pour les opérations de séparation du cargo Cygnus. Crédits NASA
Le vol DM-1 prévu le 2 mars ?
Pour l’instant, la date tient bon. Le premier lancement au service du contrat « Commercial Crew », avec une capsule Crew Dragon non habitée mais qui ira faire un premier aller-retour sur l’ISS, est programmé le 2 mars. La procédure est complexe pour ces premiers décollages, car la NASA n’est pas la seule à devoir donner son accord : il s’agit bien d’une station internationale, et les décisions le sont également pour établir le calendrier des semaines à venir, une estimation des risques et des garanties de sécurité. Même si Crew Dragon ne volera pas dans une version totalement finalisée (argument évident des « pro-Boeing » pour énoncer que leur essai, prévu plus tard ce printemps, sera bien plus fidèle), le test sera marquant et représentatif d’une mission de cette capsule plus tard dans l’année (et actuellement prévue cet été). Notons que ce vol revêt une importance particulière pour l’ISS, comme le reste de ceux prévu dans le contrat « Commercial Crew » car dès la fin de cette année, les missions habitées feront déjà partie du planning de la station spatiale internationale. Il y a donc des activités spécifiques, des missions spécifiques qui sont conçues pour des astronautes qui vont voler sur ces capsules. Et dès lors que l’on considère leur utilisation régulière hors du programme de test, alors les USA auront regagné (malgré des années de retard) leur capacité tant attendue d’effectuer des vols spatiaux habités. C’est aussi le « bout du chemin » pour un contrat de développement qui a vu son départ à la fin du programme de navettes STS et qui n’aura pas manqué de rebondissements. En espérant que le premier décollage de cette capsule « habitable » en mars 2019 se déroulera aussi calmement que prévu…
Evidemment, ça sera une drôle de vision de la voir arriver à proximité de l’ISS sans que ce soit une « vue d’artiste » ! Crédits SpaceX
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En quoi le Crew Dragon ne sera pas t-il, pas finalisé ?
Plusieurs éléments ayant trait aux systèmes de support-vie et de pilotage ne sont pas intégrés.