[SpaceX] Dans la machine à défis…
SpaceX est dans une position délicate. Pour la première fois depuis 2016, l’entreprise n’a tenté aucun décollage depuis plus de deux mois. Une situation appelée à se prolonger puisque le prochain lancement, dédié à la constellation Starlink, n’est pas encore tout à fait prêt. Des contretemps ennuyeux parce que bon… Il faut bien faire tourner une entreprise de plus de 6000 salariés, et donc avoir des rentrées d’argent. Les chèques de la NASA ne peuvent suffire à tout ce petit monde. Faudra-t-il un nouvel emprunt ? Le temps nous le dira. Mais pour la fin de l’automne, SpaceX prépare un véritable festival pour revenir dans le jeu.
Tous les satellites et débris, visualisés sur le site stuffin.space .Pas sûr qu’il y en ait 42000 en tout (bien que normalement si). Crédits Stuffin.space
Des Starlink comme s’il en pleuvait
J’imagine juste la tête de la personne qui lit les demandes d’attribution à l’ITU (International Telecommunication Union) et qui a vu arriver les demandes pour 30000 satellites Starlink supplémentaires ! La constellation de communication internet du géant n’en finit plus de se redéfinir, alors que seuls 2 exemplaires étaient en test en 2018 et 60 en 2019 après un premier lancement dédié au mois de mai. A l’heure qu’il est, il y en a une cinquantaine qui servent aux tests, quelques uns qui sont en trajet et d’autres qui sont désintégrés dans l’atmosphère ou relativement proches de l’être. SpaceX compte augmenter la cadence avec un second lancement dans quelques semaines en octobre-novembre, peut-être un autre à la fin de l’année… Et 24 en 2020 ! La production de série tant attendue serait-elle au rendez-vous ? C’est ce qu’on leur souhaite, en même temps qu’une fiabilité sans failles, sans quoi le nombre de débris en orbite augmentera en flèche dès l’année prochaine. Sur le plan commercial cependant, cette hâte ne fait aucun doute : il faut museler le marché avant l’arrivée des autres acteurs, même avant le développement de OneWeb.
Il sera aussi très intéressant de voir s’il y a des changements sur les satellites lors du prochain décollage (pour peu qu’on nous en parle). Crédits SpaceX
On peut remarquer que cette nouvelle demande qui ferait passer le nombre « total » de satellites de 12000 à 42000 pour Starlink peut aussi être un aveu de faiblesse : ce nombre de satellites proprement hallucinant reflète peut-être les difficultés de l’entreprise à réussir à faire des liaisons de données à haut débit entre ses satellites… Si en effet on est capable de faire des « ponts » à très haute vitesse entre ses unités, peut-être n’y a-t-il pas besoin d’en avoir des centaines au-dessus de chaque site à tout moment.
La capsule Crew Dragon qui participera au prochain essai de SpaceX. Crédits SpaceX
Le Commercial Crew enfin recadré
Après le « fameux » tweet de l’administrateur de la NASA Jim Bridenstine juste avant la conférence d’Elon Musk fin septembre, le vent qui soufflait entre la NASA et l’un de ses principaux sous-traitants soufflait un peu glacial : il fallait à la fois rassurer et redéfinir un peu le calendrier des opérations à venir pour SpaceX sur le contrat Commercial Crew, et sur le programme que propose l’entreprise pour que Crew Dragon soit belle et bien la première mission à renvoyer des astronautes en orbite depuis le sol américain. Même si de l’aveu de tous, ce ne sera pas pour tout de suite. Même si l’accident du mois d’avril (la capsule avait subi une explosion lors d’un test au sol qui heureusement n’avait blessé personne) est maintenant officiellement derrière eux, mais le test de parachute raté qui avait suivi les poursuit toujours. SpaceX a donc choisi avec son sous-traitant de poursuivre les recherches sur ce sujet, et de proposer une version Mark 2 puis Mark 3, ce qui semble de l’avis même d’Elon Musk un peu simple « mais les parachutes sont des technologies qui ont l’air super simples et qui en réalité sont extraordinairement complexes ». Admettons. Mais alors, ce calendrier ?
« Mais si, on s’aime ! » Crédits NASA
Capsule et booster de l’essai d’évacuation d’urgence en vol (IFA pour In Flight Abort) aura lieu « fin novembre, début décembre » depuis le pas de tir LC-39A au Kennedy Space Center. Pour le reste la capsule habitée de la mission DM-2 avec Bob Behnken et Doug Hurley pourrait être prête avant la fin de l’année mais il reste plus d’une dizaine de tests de ces fameux nouveaux parachutes, sans compter l’approbation de la NASA après le test IFA ainsi que l’accord pour la mission de la part des autorités américaines mais aussi internationales vis à vis de l’ISS pour autoriser la mission… Et le fait que Boeing espère bien faire son propre test de capsule sur l’ISS (inhabité) fin décembre ! Bref, le premier vol passe à l’année prochaine. En espérant que ce soit plus janvier qu’avril ! Ce n’est pas moi qui l’espère, mais l’agence américaine, qui aimerait bien éviter d’acheter en urgence une nouvelle place en capsule Soyouz en devant supplier les russes ou une autre nation en écrivant un nouveau chèque.
Bon il faut dire qu’on commence à être impatients mais à juste titre, ces missions sont attendues depuis 2017… Crédits NASA
Starship démonté, les travaux vont bon train
20 jours après le « show » annuel d’Elon Musk, il faut bien jeter un coup d’oeil sur l’avancée de ses vaisseaux « interplanétaires ». Force est de constater que lorsqu’Elon disait « un mois ou deux », ce serait plutôt 2 (en annonçant directement « avant la fin de l’année » dans mon propre article, je prenais déjà une marge)… Mais ça ne veut surtout pas dire que les équipes se tournent les pouces sur les deux sites de préparation de SpaceX, à Boca Chica (Mk1, Texas) et Cocoa (MK2, Floride).
Comme disait Jacques Chirac, c’est loin mais c’est beau. Crédits SpaceX.
- Starship MK1 a été presque entièrement démonté : le « nez » de la fusée a été le premier à redescendre du grand vaisseau présent derrière Elon lors de sa présentation, suivi quelques semaines plus tard par les ailerons puis les plans canards. Les moteurs aussi sont partis, probablement pour rester au Texas et être testés sur le site de McGregor. Il n’y a pas eu que du meccano géant pourtant, avec l’installation de nombreuses gaînes et câbles sur les flancs (il faut bien piloter les canards) ainsi que de travaux sous le lanceur et dans la coiffe, au sein de laquelle on retrouve des réservoirs et batteries pour faire contrepoids sur ce prototype. Autres travaux imposants à quelques centaines de mètres de là sur le pas de tir, et là aussi tout change par rapport au StarHopper : la zone est plus grande, inclut de nouveaux réservoirs ainsi qu’une structure sur laquelle sera posé le lanceur (et qui inclura probablement un déflecteur). Le prochain vol étant une parabole à 20 km d’altitude, il faudra de toutes façons faire une mise à feu statique avant, ce qui nous donnera une bonne indication sur la date finale du test… Mais SpaceX n’en est pas encore là, et cette mise à feu n’est pas attendue avant au minimum début novembre.
- Starship MK2 est lui aussi en deux parties, et l’avancement ne semble pas visuellement très en retard par rapport à son jumeau texan, mais plusieurs sources indiquent quelques semaines de « retard » en faveur du premier exemplaire. Dans tous les cas, on sait que SpaceX aimerait bien avoir ce Starship assemblé pour la fin de l’année… Reste que le site qui lui permettra de décoller au Kennedy Space Center (après un trajet de plusieurs dizaines de kilomètres qui sera à observer de près) n’est pas encore prêt : les bulldozers et autres grues s’animent pour couler le béton nécessaire à l’aménagement d’un pas de tir spécifique le long de la rampe du LC-39A. Pour l’instant, pas d’indication de date, et SpaceX n’a pas encore cherché à obtenir une autorisation de vol spécifique.
- Les exemplaires MK3 et MK4 sont comme annoncé lors de la présentation entrés en production. Sur les deux sites on voit apparaître de nouveaux « anneaux » en acier, cette fois cerclés d’une seule pièce grâce à un nouvel outillage. On ne sait pas encore s’ils seront efficaces, mais ils seront certainement plus « lisses ». Pour leur date de lancement, il faudra attendre le résultat des essais suivants, mais aussi leur assemblage (ils sont censés être les premiers avec 6 moteurs) et sans doute une grosse mise à jour du programme.
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