[ISS] Ca va quand même mieux à cinq…
2020 est allée tellement de travers qu’on peut trouver ça étrange que sur l’ISS, cinq astronautes (dont deux arrivés fin mai sur Crew Dragon) se portent à merveille et continuent leurs travaux ensemble dans la bonne humeur. Et non seulement le nouveau véhicule est tout à fait conforme aux attentes, mais en plus l’équipage en profite pour sortir en scaphandre et changer (une dernière fois) un grand set de batteries sur les flancs de la station. Au sol on prépare beaucoup les futurs vols… Et le tourisme.
La comète C/2020 F3 NEOWISE observée début juillet par le cosmonaute Ivan Vagner, photographe spatial de très grand talent. Crédits I. Vagner/Roscosmos
Un programme chargé… Jusque début août ?
C’est rigolo : vous avez entendu parler de Crew Dragon le mois qui vient de passer ? Non ! Finalement c’est la période de l’année au cours de laquelle on aura le moins entendu parler du véhicule de SpaceX… Alors qu’il est en orbite ! En réalité il y a peu à en dire, selon les aveux mêmes des responsables du programme. Ces derniers ont confirmé dans un point il y a une dizaine de jours que la capsule réagissait très bien à son séjour en orbite. Les panneaux solaires sont-ils dégradés ? En fait non, c’est même l’inverse, ils sont un peu plus performants que prévu. Plusieurs fois par semaine, un astronaute ou les deux va vérifier les valeurs et réaliser quelques tests au sein de Crew Dragon. Dans les jours à venir, ce sera l’occasion d’une photo originale, car SpaceX, la NASA et même un cosmonaute russe vont participer à un test : les quatre sièges de la capsule seront occupés pour tester certaines fonctionnalités du véhicule en prévision de son vol de septembre avec un « plein équipage » de quatre voyageurs. Le retour est toujours prévu dans la première semaine d’août (la date du 2 août semble plus ou moins fixe à présent, sauf météo horrible dans la zone de récupération). Il sera suivi de six semaines d’analyse des données de la capsule, des débriefings de Doug Hurley et Bob Behnken, des rapports, etc. Il est donc probable que le vol USCV-1 soit repoussé au minimum au 20 septembre (et plus probablement à début octobre). Toutefois, ce n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle.
De beaux sourires lors d’un dîner en commun pour la fête nationale américaine. Crédits NASA
D’ici là, le programme à cinq est chargé. D’abord il a fallu gérer deux sorties EVA (voir suite) mais ce n’est pas terminé, il y en a encore deux supplémentaires à préparer. Ce qui prend du temps pour s’occuper des scaphandres, préparer les opérations avec le bras robotisé, faire des tests, répéter le programme… Cela mobilise du temps pour Chris Cassidy et Bob Behnken, mais pas uniquement, puisque Doug Hurley et le russe Ivan Vagner les aident lors des phases pré et post-sortie. Actuellement, en plus des expériences scientifiques (eh oui, il y en a un paquet à faire avancer), les russes en particulier sont mobilisés pour remplir le véhicule Progress MS-13 avec les « poubelles » de l’ISS, puisqu’il se désamarre dans deux jours avant de rentrer dans l’atmosphère. Et il faudra répéter les procédures pour reprendre le contrôle en manuel… A la fois pour le cargo qui s’en va, mais aussi pour celui qui arrivera fin du mois, puisque Progress MS-15 est dans les derniers stades de sa préparation pour le lancement à Baïkonour. Il fera le trajet le 23 juillet.
Station internationale : labo européen, cargo japonais, véhicule américain, bras canadien… Et la Terre. crédits NASA
Bob Behnken et Chris Cassidy, l’expérience parle en EVA
A chaque équipage, on a l’impression que le changement des batteries sur les flancs de l’ISS est plus facile que la fois précédente. Alors bien sûr, il ne faut pas nier l’apport du retour d’expérience, et je pense que le contrôle de mission a beaucoup adapté les procédures à suivre lors de ces changements pour mieux « coller » à ce qu’ont expérimenté les astronautes depuis 2017. Mais même dans ce cadre bien précis, Bob Behnken et Chris Cassidy ont fait un sans faute, avec des durées de sortie historiquement courtes, et même du temps pour prendre de l’avance… 6h07 pour la première, 6h02 pour la seconde, ces deux astronautes très expérimentés par leurs missions passées se sont super bien débrouillés. Ensemble, ils ont remplacé six anciennes batteries nickel-hydrogène par un groupe de 3 batteries lithium-ion et 3 adaptateurs, sur lesquels il est possible (mais absolument pas nécessaire) de stocker les anciennes comme les nouvelles batteries. Ce faisant, ils ont d’ores et déjà préparé le terrain avec leurs EVA du 26 juin et du 1er juillet, pour les deux autres prévues les 16 et 21 juillet. Alors, est-ce devenu une routine ? Pas vraiment non plus, car on n’oubliera pas que ce sont à chaque fois des duos d’astronautes différents, et que si les tâches de remplacement sont plus ou moins répétitives, chaque site est spécifique. D’autant plus que bon, corvée ou pas, il n’y a pas le choix. Ce sont les toutes dernières sorties pour remplacement de batteries de la longue séquence 2017-2020, qui a vu toutes les anciennes unités échangées avec des nouvelles. De quoi tenir, au moins, jusqu’en 2030… Bob Behnken et Chris Cassidy en profiteront pour entrer dans la très petite famille des astronautes cumulant dix sorties EVA dans leur carrière, et feront tous les deux partie du Top 5 de ceux ayant passé le plus de temps à flotter dans leur combinaison au-dessus de notre belle planète.
La coopération avec la visseuse PGT, sans laquelle rien ne serait possible ! Crédits C.Cassidy/NASA
Une véritable nuée de touristes dès 2021 ?
Déjà, il faut garder à l’esprit que les astronautes des agences du consortium ISS auront évidemment toujours la priorité sur des « spaceflight participants », qu’il s’agisse de « vrais » touristes ou d’astronautes d’agences partenaires (qui, ne faisons pas les timides, achètent un siège). Donc les plannings actuels de vols touristiques valent plus en terme d’intention qu’en terme de calendrier. Ceci étant dit, quelle percée ! Après l’annonce au début de l’année de deux vols sur Crew Dragon de la part de Space Adventures (pas sur l’ISS) et d’Axiom Space (deux semaines environ sur l’ISS, fin 2021), c’est la Russie qui fait les gros titres depuis fin juin. Space Adventures a en effet réussi à signer pour un vol de deux touristes sur Soyouz avec un russe qui se chargera de faire littéralement le guide touristique, d’ici 2023. Mieux, le cosmonaute et l’un des deux touristes sortiront en scaphandre pour quelques activités à l’extérieur de la station ! C’est totalement inédit. Quelque chose me dit qu’étant donné le temps de formation qu’il faudra pour que les russes soient confiants avant qu’un touriste puisse sortir en scaphandre Orlan, même avec un accompagnant, il s’agit plutôt d’un astronaute d’une autre agence qui souhaite marquer l’histoire. Je pense notamment aux Emirats Arabes Unis, mais si je me risque à la spéculation sur ces lignes, c’est uniquement basé sur mon avis, il n’y a pas d’élément objectif pour révéler ni la personne ni la nationalité du touriste en question. Enfin, il semblerait qu’il y ait un ou deux touristes qui partiront, toujours sur Soyouz, pour fêter la fin d’année et le passage à 2022 en orbite. Le programme est chargé : cela ferait en tout quatre missions et jusqu’à 11 « touristes » (ou spaceflight participants) en orbite dans les 3 années qui viennent. De quoi lancer définitivement cette branche, si décriée, de la space économie ?
Remarquez on les comprend, la vue est sympatoche. Crédits NASA
Restez avec nous pour les dernières informations sur la formidable aventure de l’exploration spatiale, avec des articles documentés et un point de vue ludique et francophone! Rejoignez-nous sur Twitter (@Bottlaeric) ou sur Facebook ! N’hésitez pas à réagir avec les commentaires